faillite de la grece

Les marchés ont déjà décidé la faillite de la Grèce

Nous sommes entrés dans la deuxième crise de la dette. Pour l’instant, tout cela ne se voit pas vraiment. Les journaux n’en parlent pas, les opérateurs de marché ne le crient pas sur les toits : tout le monde essaie de glisser discrètement la poussière sous le tapis. À part Jean-Luc Mélenchon, qui alerte depuis plusieurs mois (voir : « La reprise, c’est la re-crise », « La Grèce ne paiera pas », « Le dessous du tapis grec » ou encore « L’Union européenne prise à son propre piège grec »), personne ne parle de la situation critique dans laquelle nous sommes entrés.

Pour qui connaît les marchés financiers, la situation est pourtant claire : la faillite de la Grèce est déjà anticipée et la situation se tend à nouveau sur le marché européen des obligations d’État (la dette des États, si vous préférez). Plusieurs signes très inquiétants concordent. Je voudrais essayer ici de montrer de quoi il retourne en essayant de rendre cela aussi compréhensible que possible, en dépit de la technicité de ces choses. À chaque fois que c’est à mon avis nécessaire, je mettrai donc une petite explication sur ce dont on parle du point de vue technique avant de traiter ce qu’il se passe en ce moment. Si vous connaissez ce dont on parle, n’hésitez donc pas à sauter la lecture des « Qu’est-ce que c’est ? ».

1. L’envolée des obligations d’État grecques
Qu’est-ce que c’est ?
Que se passe-t-il en ce moment ?
2. L’envolée des CDS grecs
Qu’est-ce que c’est ?
Que se passe-t-il en ce moment ?
3. L’envolée des obligations européennes
Conclusion

L’envolée des obligations d’État grecques

Qu’est-ce que c’est ?

Le premier signe qui doit nous alerter, c’est la nouvelle envolée du taux des obligations d’État grecques. Qu’est-ce que c’est ? C’est le taux d’intérêt auquel l’État grec peut emprunter sur les marchés financiers ou, plus exactement, c’est le taux d’intérêt que doit consentir l’État grec aux marchés financiers pour que ceux-ci acceptent de lui prêter. Ce taux est lié au risque de non-remboursement : en effet, pour avoir intérêt à prêter à une entité dont vous pensez qu’elle risque de ne pas vous rembourser, il faut que ce soit très rémunérateur pour vous. Fort logiquement, le risque de non-remboursement augmente dans le temps (dit autrement : on sait à peu près ce qu’il va se passer dans deux ans mais dans cinquante ans, c’est beaucoup moins sûr) ; les taux d’intérêt augmentent donc logiquement avec la durée d’émission de l’obligation. Voilà pour la théorie.

Prenons un exemple. Si l’État grec veut emprunter 100 euros, remboursables sur cinq ans, et que tout le monde se dit qu’il va rembourser, alors il pourra émettre des obligations à un faible taux d’intérêt, comme 1%. Il remboursera donc 1% de 100 euros chaque année (1 euro par an) jusqu’à l’échéance et devra rembourser les 100 euros à la fin. Maintenant, si les marchés se disent qu’il y a un risque très élevé et n’acceptent de prêter qu’à 20% sur 5 ans, l’État grec devra payer 20 euros d’intérêt chaque année et rembourser les 100 euros à la fin. Bilan : pour emprunter 100 euros, il devra donc payer 100 euros sur cinq ans. On voit du même coup comment fonctionne le cercle vicieux de la dette puisque plus on a de difficultés à payer les intérêts, plus on a des intérêts élevés, plus on a des difficultés à payer les intérêts, etc. Ainsi, en France, le seul paiement des dettes est souvent le premier poste de dépense du budget de l’État ; cette année, il est par exemple prévu que nous remboursions 44 milliards d’euros.

Que se passe-t-il en ce moment ?

Après une période de baisse des taux d’intérêt de ses obligations, la Grèce connaît de nouveau une envolée du coût de son endettement depuis un an (je le précise pour que tout le monde sache bien que Tsipras n’est pas responsable de l’envolée des taux). Ainsi, sur l’année écoulée, le taux d’emprunt pour les obligations grecques à dix ans est passé de 5,8% (c’est déjà beaucoup) à 11,7%, soit un doublement du coût, si jamais la Grèce voulait se financer sur les marchés ! Ces obligations retrouvent ainsi leur niveau d’il y a deux ans.

Bien-sûr, tout cela est fictif puisque la Grèce vit actuellement sous perfusion financière du FMI et de la BCE et n’emprunte quasiment plus sur les marchés financiers. Et, pour celles et ceux qui ont de bons souvenirs, on n’en est pas revenus aux taux d’emprunt d’il y a quatre ans où la Grèce empruntait avec des taux de… 36% ! On pourrait donc se dire qu’après tout, ça n’a pas grande importance que les taux théoriques actuels augmentent. Sauf qu’il y a un autre indicateur très inquiétant qui s’agite.

L’envolée des CDS grecs

Qu’est-ce que c’est ?

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Les CDS ou « Credit Default Swap » sont une assurance sur la dette. Concrètement, si vous avez prêté de l’argent, vous vous assurez contre le risque de non-remboursement. Vous donnez donc de l’argent à une assurance qui s’engage à payer ce qu’on vous doit si jamais votre emprunteur n’y arrive pas. Le prix de ces CDS varie en fonction du risque de non-remboursement : plus il y a de risque que l’emprunteur ne rembourse pas, plus les CDS coûtent cher.

Concrètement, vous pouvez donc prêter à la Grèce à des taux prohibitifs et, dans le même temps, vous assurer contre le cas où la Grèce ne vous rembourserait pas. Evidemment, cette assurance vous coûte moins cher que ce que vous gagnez avec ce que la Grèce vous rembourse. Vous êtes donc gagnant à tous les coups : si la Grèce vous rembourse, vous gagnez de l’argent ; si elle ne vous rembourse pas, l’assurance vous rembourse et vous gagnez de l’argent. Sauf qu’au final, dans le cas où la Grèce fait faillite, l’assurance qui vous rembourse peut elle aussi être entraînée dans la spirale et faire faillite à son tour, ce qui peut faire qu’elle ne rembourse pas tout ou pas tout le monde, ce qui peut au final entraîner une réaction en chaîne comme on en a connu en 2008 avec la crise des subprimes.

Que se passe-t-il en ce moment ?

C’est sans doute l’élément le plus inquiétant. Le coût des CDS sur la dette grecque à cinq ans est en train de s’envoler. Et quand je dis « s’envoler », je ne plaisante pas : ils sont passés de 450 dollars il y a un an à 2 750 dollars aujourd’hui, soit une augmentation de… 511% !

Cette augmentation incroyable du coût des CDS laisse à penser que les marchés anticipent déjà la faillite de la Grèce. Aussi, quand l’odieux ministre des finances de l’Allemagne, Wolfgang Schäuble, déclare : « Je réfléchirais longuement avant de répéter qu’il n’y aura pas de faillite de la Grèce », il ne fait qu’être le portevoix des marchés financiers qui ont déjà pris cette décision.

L’envolée des obligations européennes

Il n’y a pas que pour la Grèce que la situation se tend sur les marchés financiers. C’est le cas pour toute l’Europe. Même l’Allemagne et la France, dont les obligations sont depuis quelques temps des « valeurs refuge » (c’est à dire des choses qu’on achète pour se protéger en cas de crise), commencent à être touchées.

Ainsi, sur ses obligations à dix ans, l’Allemagne emprunte aujourd’hui à 0,892% après un plus bas le 17 avril à 0,016%. Ça n’a l’air de rien, mais ça représente une augmentation du coût de l’endettement de 5 475% en moins de deux mois. Du côté Français, on emprunte aujourd’hui à 1,205% contre un plus bas à 0,254% le 22 avril, soit une augmentation de 374% du coût de l’endettement.

Evidemment, tout cela n’a l’air de rien. Emprunter à 1,2% ou 0,9% à dix ans, c’est emprunter à un très faible taux. Mais c’est l’augmentation rapide du coût de l’emprunt qui doit nous inquiéter. Il a ainsi fallu moins de deux mois à l’Allemagne et la France pour retrouver leur taux d’emprunt d’août 2014 alors que la baisse était continue depuis. Deux mois de hausse ont effacé dix mois de baisse. Et la situation est la même dans toute l’Europe.

Conclusion

Depuis quelques temps déjà, on entend les puissants parler du « Grexit », c’est à dire la sortie de la Grèce de la zone euro. On voit que cette idée est totalement absurde puisque ce qui se passe en Grèce a une influence directe sur le reste de l’Europe. Une sortie de la Grèce de la zone euro provoquerait donc une réaction en chaîne qui conduirait à la fin de la zone monétaire telle que nous la connaissons. Mais n’importe : les Christine Lagarde, les Wolfgang Schäuble et tout ce petit monde qui se serre la main réfléchissent quand même à cette « option ».

Pourquoi ? Parce qu’il faut faire peur. Il faut montrer à tous les autres pays d’Europe que ne pas payer n’est pas une option. Il faut montrer que l’Union européenne et le FMI sont prêts à voir sombrer tout un peuple dans la misère plutôt que de céder sur le remboursement de la dette. Il faut faire un exemple avec le malheureux peuple grec qui a déjà tant enduré. Il faut que tout le monde crache la thune empruntée. Jusqu’à en crever s’il le faut. Il faut que vous voyiez à la télé des Grecs faisant la queue dans la rue pour manger une soupe dégueulasse servie par des associations humanitaires. Il faut que vous vous rentriez dans le crâne, de gré ou de force, qu’il n’y a qu’une seule politique possible. Que si on ne fait pas comme c’est prévu, ce sera le chaos. Voilà ce qu’est aujourd’hui devenue l’Union européenne : une gigantesque machine à presser les peuples pour le profit de quelques uns.

Dans le langage poudré des médias, on dit (enfin, on ne le dit pas encore mais ça ne va pas tarder) que les marchés « anticipent » la faillite de la Grèce. C’est faux : ils l’ont décidée. Les marchés commandent tant que personne ne s’y oppose et tant que les gouvernants européens accepteront de rester à leur botte. Les marchés commandent. Et ils ont décidé que le peuple Grec allait souffrir jusqu’au bout, pour montrer l’exemple à tous les autres.

Il est temps de se sortir de leur main implacable. Il est temps de trouver d’autres manières de faire. Ces gens qui veulent nous faire cracher la thune ont beaucoup plus à perdre que nous si nous leur résistons, si nous ne payons pas. La France, qui est la deuxième puissance économique du continent, peut le faire si elle en a la volonté. Mais tout est pour l’instant concentré dans les mains d’un seul homme : François Hollande. Et lui n’a pas cette volonté : il regarde les taux d’emprunt comme le lait sur le feu, il est soumis entièrement aux marchés, il applique leur politique.

C’est tout le système qu’il faut changer. Il faut que le peuple puisse intervenir dans la sphère politique et donc dans la sphère économique, contrairement à ceux qui voudraient que les deux choses soient séparées. Tout ne doit pas reposer sur un seul homme qui peut trahir ses promesses de campagne.

C’est ce que propose le mouvement pour la 6e République : changer le système. Dans quelques jours, il soumettra au vote de tous les signataires le texte « Pour la 6e République ». Ce texte a été débattu à l’occasion de la première assemblée représentative du mouvement qui se réunissait le 6 juin dernier. Il y a dans ce texte une phrase, qui tout : « Nous voulons en finir avec le règne des décisions prises sans le peuple et contre lui ». Cela n’est pas possible sans affronter les marchés. Et la condition d’un affrontement réussi avec eux, c’est l’irruption du peuple dans la prise de décision. Nous sommes plus nombreux et nous sommes plus forts que les quelques uns qui s’engraissent sur notre dos. Très bientôt, nous le leur montrerons.

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