Antoine Léaument prend la parole à l’issue de la commission mixte paritaire sur le projet de loi contre le narcotrafic. Il dénonce un texte dangereux pour les libertés publiques, inefficace contre le trafic et marqué par de graves lacunes, notamment l’absence de toute stratégie de prévention.
Dès l’ouverture, Antoine Léaument rappelle qu’il était le seul député à voter contre ce texte, tant il comporte des mesures attentatoires aux libertés. Il déplore que malgré de longs débats – notamment sur les prisons de haute sécurité voulues par Gérald Darmanin – le texte soit resté pratiquement inchangé depuis son passage à l’Assemblée.
Le fameux « dossier coffre », présenté comme un outil technologique au service des enquêteurs, a été, selon lui, vidé de sa substance. Cette disposition, conçue pour garder secrètes certaines techniques d’enquête, a été largement amputée, preuve que sa mise en œuvre apparaissait irréaliste même aux yeux de ses promoteurs. Néanmoins, des points problématiques subsistent, comme l’anonymisation des agents ou l’opacité sur les installations techniques, qui empêchent les justiciables de se défendre efficacement.
Antoine Léaument se réjouit que la disposition insoumise sur les repentis ait été conservée. Mais cela ne suffit pas à compenser les dérives globales du texte. Il alerte aussi sur l’installation de prisons ultra-sécurisées, qui pourraient exposer les agents à des risques accrus de corruption. D’ailleurs, c’est à sa demande que le mot “corruption” a été réintroduit dans l’intitulé de la loi, alors qu’il avait disparu.
Le député déplore un grand absent du texte : la prévention. Or, rappelle-t-il, tous les spécialistes auditionnés le disent : sans réduction de la consommation, il est impossible d’enrayer durablement le trafic. Il plaide pour des politiques de santé publique, de soins et de réduction de la dépendance, mais aussi pour la légalisation du cann@bis, afin de tarir les revenus des réseaux mafieux et de réorienter l’action policière vers les grands trafiquants.
Antoine Léaument insiste aussi sur un amendement insoumis adopté à l’Assemblée : la création d’un rapport d’information sur les logiciels de rédaction des procédures pénales de la police. Il dénonce un scandale : malgré 20 millions d’euros confiés à Capgemini depuis 8 ans, la police ne dispose toujours pas d’un outil fiable, alors que la gendarmerie utilise un logiciel libre et fonctionnel. Il souligne que la priorité devrait être là, plutôt que dans la surenchère sécuritaire.
Sur les backdoors ADN et messageries (portes dérobées dans les systèmes de communication), il constate avec soulagement qu’aucune tentative de réintroduction n’a été faite. Il explique que ces dispositifs, en plus d’être liberticides et risqués en matière d’ingérences étrangères, sont tout simplement inefficaces : les narcotrafiquants utilisent déjà des outils plus sophistiqués.
Enfin, il annonce que La France insoumise, avec les autres groupes du Nouveau Front Populaire, saisira le Conseil constitutionnel. Plusieurs articles du texte posent, selon lui, de graves problèmes de conformité à la Constitution. Il attend avec intérêt ce que dira le nouveau président du Conseil sur un texte aussi problématique.