« La guerre est toujours la négation de l’humanité » – Discours au Congrès de la FNACA 91

Le 24 avril 2024, Antoine Léaument était invité à prendre la parole à l’occasion du 42e Congrès de la FNACA (Fédération Nationale des Anciens Combattants d’Algérie, du Maroc et de Tunisie) de l’Essonne. Il a prononcé un discours sur la paix dont voici la retranscription :

Mesdames et messieurs,

C’est pour moi un honneur de m’exprimer aujourd’hui devant vous, dans un moment si particulier de l’Histoire de notre pays et du monde. 

Un honneur, car la Fédération Nationale des Anciens Combattants en Algérie, Maroc et Tunisie est une association bien particulière d’anciens combattants. 

En effet, si elle a, pendant des années, demandé – et obtenu – la reconnaissance de la guerre d’Algérie comme une guerre, cela n’a jamais été dans l’objectif de faire de cette reconnaissance celle d’une glorification des combats. 

Elle l’a fait uniquement dans le but d’assurer la reconnaissance légitime du tribut de tous les combattants, tout en permettant la légitime reconnaissance des victimes civiles que toutes les guerres emportent avec elles.

Il n’y a pas de haine, pas de rancoeur, pas de volonté de revanche dans cette volonté légitime de reconnaissance. C’est même tout le contraire.

Et c’est pourquoi, à mes yeux, la FNACA est fidèle à une longue tradition républicaine : celle de l’amour de sa patrie qui n’est jamais la haine des autres, mais toujours celle du respect des peuples libres. 

Notre drapeau lui-même est le fruit de cette Histoire. Car en 1790 en Haïti, alors appelée Saint-Domingue, des révoltes éclatent pour demander l’application de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen sur l’île. Les esclavagistes, en effet, avaient obtenu de l’Assemblée nationale qu’on ne l’appliquât pas dans les colonies. Il faut dire qu’un texte qui commence par « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » n’était pas vraiment compatible avec l’esclavage. 

Ces révoltes conduisent les autorités royales françaises à vouloir les réprimer par la force. Des bâteaux sont censés partir de Brest dans ce but. Mais les marins refusent de partir se battre sous le drapeau blanc contre ceux qui se battent pour la liberté. Ils se mettent en grève.

L’Assemblée nationale se saisit de cette affaire. Et, le 21 octobre 1790, Mirabeau prend la parole pour défendre le drapeau tricolore du peuple face au drapeau blanc du roi. 

Il affirme : « Elles vogueront sur les mers, les couleurs nationales. Elles obtiendront le respect de toutes les contrées. Non comme le signe des combats et de la gloire, mais comme celui de la sainte confraternité des peuples, des amis de la liberté sur toute la terre, et comme la terreur des conspirateurs et des tyrans ».

Mirabeau emporte l’adhésion et la décision est prise, dès lors, d’adopter le drapeau tricolore rouge-blanc-bleu sur les navires de la Marine française. Si bien que l’on peut dire que notre drapeau est né d’une grève de marins bretons antiracistes et d’un discours prônant la confraternité et la liberté plutôt que les combats et la gloire. 

C’est la même idée que je retrouve dans la Constitution de la Ière République (24 juin 1793). Article 118 : « Le peuple français est l’ami et l’allié naturel des peuples libres ».

C’est la même idée que je retrouve, 231 ans plus tard, dans le message de la FNACA du 19 mars 2024 : 

« Nous sommes des citoyens fidèles aux principes de la République : Liberté, Égalité, Fraternité, auxquels il faut ajouter Respect ! La guerre, c’est le malheur pour les deux parties : elle détruit l’humain et tout ce qui l’entoure. (…) Aujourd’hui, soyons tous des combattants pour la Paix : tous, jeunes et vieux ! La Paix, victoire de la fraternité sur la méchanceté. C’est la seule voie du Bonheur pour l’humanité. »

Je partage chacun de ces mots. Je n’en ai aucun à retrancher. Oui : la guerre c’est toujours l’abdication des principes de la République : Liberté, Égalité, Fraternité. La guerre c’est toujours la négation de l’humanité de ceux qu’on affronte. La guerre c’est toujours l’horreur, la souffrance, le malheur et la mort. 

Et voilà pourquoi j’ai dit que j’étais honoré de m’exprimer devant vous, dans un moment si particulier de l’Histoire de notre patrie et du monde. Car la guerre est presque partout et que là où elle n’est pas encore, elle menace d’arriver. 

Elle est d’abord revenue sur le sol européen avec l’invasion russe en Ukraine. Ou plus exactement, elle s’est intensifiée puisqu’elle continuait depuis 2014 dans le Donbass, sous une forme plus ou moins larvée. Et depuis cette montée en intensité, la France a tenu son rang et été à la hauteur de son Histoire républicaine en accueillant sur son sol 100.000 réfugiés ukrainiens. « Le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans. » Ces mots, de nouveau, sont de 1793 (article 120 de la Constitution). 

La guerre, aussi, s’est intensifiée dans le conflit israélo-palestinien après l’abominable attaque du Hamas du 7 octobre dernier. Je dis « intensifiée » car contrairement à ce que l’on entend souvent, je crois qu’il est de notre devoir, ici, de rappeler qu’il s’agit d’un conflit qui n’est pas né l’année dernière. Il dure depuis des décennies, faisant chaque année plusieurs centaines de morts et plusieurs milliers de blessés, essentiellement côté palestinien et essentiellement civils. 

Oui, je dis que la guerre s’est intensifiée le 7 octobre et non qu’elle a commencé à cette date, car je pense avec Camus que « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Ce combat pour les mots, je sais, et je l’ai dit, que c’est aussi le combat historique de la FNACA.

Ce qui s’est passé le 7 octobre est une double tragédie. Tragédie d’abord pour ce qu’il a été : une tuerie de masse, indistincte, anéantissant d’un coup la vie de près de 1.200 personnes parmi lesquelles près de 800 étaient des civils ; mais aussi un moment d’horreur dans la durée puisque 200 personnes ont également été prises en otages. Et si 112 ont été libérés, il en resterait encore plus d’une centaine aux mains du Hamas, parmi lesquels trois de nos compatriotes : Ohad Yahalomi, Ofer Kalderon et Orión Hernández-Radoux. Je veux que nous ayons une pensée pour eux tous, quelle que soit leur nationalité. 

Mais le 7 octobre est aussi une tragédie pour ce qu’il a entraîné dans sa suite. Une tuerie de masse, anéantissant la vie de plus de 30.000 personnes, essentiellement des civils et, parmi eux, essentiellement des femmes et des enfants. C’est aussi l’aide humanitaire qui est empêchée d’arriver à Gaza et l’accès à la nourriture qui est limité par le gouvernement de Benyamin Netanyahu qui organise la faim et la souffrance des Gazaouis. À tel point que la Cour de Justice Internationale a qualifié la situation de « risque de génocide ». À l’Est, en Cisjordanie, la colonisation s’est intensifiée et avec elle les meurtres de civils. 

Je dis que c’est l’honneur de la France, d’avoir appelé au cessez-le-feu et d’avoir voté à l’ONU la résolution algérienne visant à reconnaître l’État palestinien. J’aurais aimé que ma patrie tergiverse moins et agisse davantage, d’autant que des voix se sont élevées dès le départ pour le cessez-le-feu. Mais l’essentiel est que la France parle désormais, pour ce conflit, dans la langue de la paix. 

J’aimerais que cette langue soit aussi celle qui soit parlée à propos du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Malheureusement, on en est loin. Et sans entrer dans des débats qui occupent la scène politique, je me contenterai de dire ici que nous écoutons souvent avec circonspection ce qui est dit par le chef des armées sur le sujet.

Je veux conclure d’un mot. Pour dire que l’honneur de la FNACA est d’avoir fait reconnaître le terme de « guerre » dans une logique qui était celle d’une réconciliation et non celle de la perpétuation d’un affrontement. Reconnaître la guerre d’Algérie comme une guerre, c’était aussi reconnaître qu’elle était finie pour de bon. Et offrir une voie pour la paix civile là où certains cherchaient la perpétuation infinie de ce conflit par son importation sur le sol hexagonal. 

J’ai dit que la guerre était toujours la négation de l’humanité de celui qu’on affronte. C’est évident, car sinon on aurait du mal à le tuer. Et je veux dire ici, car je sais pouvoir y être entendu, que le racisme procède de la même logique. Alors à l’heure où les conflits nous entourent, je veux aussi alerter pour notre patrie. Pas de guerre entre nous ! Pas de haine entre nous sur la base de la religion ou de la couleur de peau. Ce n’est pas la France quand on s’écarte de la devise qui contient l’Égalité et la Fraternité comme condition de la Liberté. Pas de racisme ou d’antisémitisme. La France vaut mieux que cela. « Paix entre nous, guerre aux tyrans », dit la chanson qui prône l’unité entre les peuples. Cela vaut aussi pour l’unité du nôtre. 

Vive la FNACA, Vive la République et Vive la France !

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