Notre identité nationale est antiraciste et ultramarine ! – Discours en mémoire de la première abolition de l’esclavage

Antoine Léaument était ce dimanche à Nantes pour un meeting en commémoration du 4 février 1794, date de la première abolition de l’esclavage.

Voilà son discours :

Bonjour à toutes et à tous et vraiment grand merci aux organisatrices et organisateurs qui nous permettent de nous rassembler aujourd’hui. 

Je veux dire l’importance du rassemblement que nous faisons aujourd’hui. Ce que nous faisons en célébrant le 4 février 1794, c’est remettre la République en ordre à l’heure où l’unité de notre peuple est menacée par le racisme et la haine.

Qu’est ce que le 4 février 1794 ? 

C’est la victoire des principes de la République française sur ceux du capitalisme. C’est la victoire de la liberté, de l’égalité et de la fraternité sur l’appât du gain et la loi du plus fort. Et c’est parce que c’est une histoire de lutte ultramarine et hexagonale qu’elle est profondément une histoire nationale. 

Qu’est ce que la Nation ? 

Le Pen et Zemmour vous diraient que la Nation, c’est une histoire de sang. L’un et l’autre veulent supprimer le droit du sol. L’un et l’autre veulent rétablir le droit du sang. Mais ils se trompent car ils ne connaissent pas la France. Dans notre pays, ce qui fait sens, c’est la rupture de 1789. Il n’y a pas de drapeau tricolore avant 1789, il n’y a pas de Marseillaise, il n’y a pas de devise liberté, égalité, fraternité avant cette rupture de 1789. 

La Nation, en France, c’est le peuple souverain, c’est à dire le peuple maître de son destin par l’exercice de ses droits civiques. La Nation, c’est la fin du pouvoir d’un seul, c’est le pouvoir de tous. Ainsi, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, celle de la Première République, disait à son article trois que les hommes sont égaux par la nature et devant la loi. 

Par la nature : cela interdit les discriminations biologiques et notamment celles sur la base de la couleur de peau. 

Devant la loi, cela veut dire qu’étant égaux dans notre capacité à la faire, nous sommes aussi égaux dans notre devoir de la respecter. Et voilà pourquoi l’esclavage est incompatible avec la République et inversement. C’est un crime contre l’humanité. Et je salue et remercie Younous Omarjee pour son combat pour le faire reconnaître comme tel par le Parlement européen.

 Qu’est ce que l’esclavage ? 

C’est la négation de l’humanité en raison de la couleur de peau. L’esclavage, c’est le triomphe du capitalisme, c’est le travail gratuit, c’est l’humain transformé en chose. C’est la mort donnée sur la simple volonté du maître, c’est la torture et le viol, c’est l’utérus des femmes transformé en machine à produire de nouveaux esclaves. Mais l’esclavage, c’est aussi la lutte, la lutte pour vivre un jour de plus sans doute, mais aussi et surtout la lutte acharnée pour la résistance et pour la liberté.

Parce que partout où il y a eu l’esclavage, il y a eu des Marrons, c’est à dire des résistants qui conquéraient leur liberté par la lutte. 

L’histoire du 4 février, c’est l’histoire de ces luttes. Mais ce qu’on sait moins, c’est que l’histoire de notre drapeau tricolore, c’est aussi l’histoire de ces luttes. Vous connaissez peut être l’histoire de la cocarde bleu blanc rouge que je porte sur mon cœur.

Elle a été remise à Louis XVI le 17 juillet 1789, quand il a été obligé de se rendre à la mairie de Paris pour reconnaître le pouvoir municipal issu de la Révolution. Cette cocarde nous donne les couleurs le bleu, le rouge, le blanc. Le bleu et le rouge, ce sont les couleurs du peuple. Le blanc, c’est la couleur du roi. Le bleu et le rouge encadrent la couleur du roi. Le peuple commande le pouvoir exécutif. 

C’est cela que veulent dire les couleurs de notre drapeau tricolore. Mais ce symbole est rond. Comment devient-il un drapeau rectangulaire ? Eh bien, cela a partie lié avec les luttes pour l’abolition de l’esclavage. 

En 1790, une révolte éclate en Haïti. Ce sont les libres de couleurs qui demandent à ce que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen soit appliquée dans tous les territoires de la France.

Évidemment dans les sociétés esclavagistes, on avait essayé de faire en sorte qu’elle ne s’applique pas puisque quand on dit que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, il est évident que l’esclavage doit être aboli. Et donc, en Haïti, en 1790, la révolte est d’ampleur et en septembre, des navires doivent partir de Brest pour aller mater ces révoltes. Ils ne partiront jamais parce que les marins sont des patriotes et des révolutionnaires, parce que les marins refusent de partir pour aller mater des gens qui se battent pour la liberté. Et puis ils se mettent en grève, ils discutent du pavillon qui est sur le navire. Il est blanc, forcément, c’est le drapeau du roi. Ils saisissent l’Assemblée nationale et l’Assemblée nationale se saisit de leur demande le 24 octobre 1790. Mirabeau emporte l’adhésion pour le drapeau tricolore en disant les mots suivants : “elles vogueront sur les mers, les couleurs nationales. Elles obtiendront le respect de toutes les contrées, non comme le signe des combats et de la gloire, mais comme celui de la sainte confraternité des peuples, des amis, de la liberté sur toute la terre et comme la terreur des conspirateurs et des tyrans.”

Ce jour-là, l’Assemblée Nationale adopte pour la première fois le drapeau tricolore. Pour la petite histoire, à l’époque, il était rouge, blanc, bleu. Que ceux qui utilisent notre drapeau national pour exclure et non pour inclure se l’avalent : Notre drapeau tricolore est né d’une révolution contre les rois. Il est né d’une grève de marins bretons antiracistes et il est né surtout des luttes des Noirs contre l’esclavage et pour la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Les révoltes contre l’esclavage ont lieu dans tous les territoires d’outre-Mer français. Younous l’a dit : à la Réunion, mais aussi en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane. Mais je veux vous parler d’Haïti car, en août 1791, ça a été dit, les Marrons et les esclaves entrent dans une rébellion d’ampleur contre le système esclavagiste. Et en réponse, l’Assemblée Nationale française, le 28 mars 1792, proclame l’égalité entre les hommes de couleur libres et les colons en Haïti. Mais toujours pas l’abolition de l’esclavage.

Et c’est pour faire appliquer cette première loi qu’un mois plus tard Sonthonax, Polverel et Ailhaud sont envoyés en Haïti comme commissaires civils. Ils arrivent le 18 septembre 1792, trois jours plus tard, en métropole, on proclame la République française. Alors Sonthonax arrive là et y découvre une société raciste dans laquelle les Blancs refusent l’égalité avec les Noirs. Il rétablit par la force la loi qu’il est venu faire appliquer en s’alliant avec les hommes de couleur libres et en chassant les blancs racistes d’Haïti.

Après la mort du roi en janvier 93. l’Angleterre et l’Espagne entrent en guerre contre la France. Haïti est en partie occupée et pour mener la guerre, Sonthonax et Polverel décident d’accorder la liberté à tout esclave qui prend les armes pour défendre la République. Mais en réalité, l’esclavage est déjà aboli sur l’île et Sonthonax ne fait que reconnaître la victoire de ceux qui se sont battus pour la liberté. Quand, le 29 août 1793, il décrète sans mandat l’abolition de l’esclavage sur la partie nord de l’île et quelques jours plus tard, le 21 septembre 1793, ce sera chose faite aussi sur la partie sud de l’île (hasard, c’est la date anniversaire de la République). Sonthonax fait publier partout une déclaration en français et en créole qui dit la chose suivante : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Voilà, citoyen, l’Évangile de la France. La République française veut la liberté et l’égalité entre tous les hommes, sans distinction de couleur. Les rois ne se plaisent qu’au milieu des esclaves. La République vous adopte au nombre de ses enfants. Les rois n’aspirent qu’à vous couvrir de chaînes ou à vous anéantir. 

On décide d’envoyer trois députés à l’Assemblée nationale, pardon à la Convention à l’époque, pour y représenter la société haïtienne : un Blanc, Louis Pierre Dufay, un métis Jean-Baptiste Mees et un Noir, Jean-Baptiste Belley, premier député noir de la République française en 1793.

Lorsqu’ils arrivent en France, on les met en prison parce qu’ils viennent d’une société rebelle et que la nouvelle de l’abolition de l’esclavage n’est pas encore connue. Mais le 3 février 1794, ils sont admis à siéger à l’Assemblée Nationale et le lendemain, l’esclavage est aboli sur tout le territoire de la République française. 

La France de la République ne trie pas, elle fait de tous les hommes noirs qui étaient esclaves des citoyens français. Point. C’est aussi simple que cela. Et voilà comment, des rivages d’Haïti à ceux de la France hexagonale, notre histoire nationale est une histoire ultramarine, une histoire créole, une histoire antiraciste de lutte pour la liberté, l’égalité et la fraternité. 

Ce n’est pas la France qui a aboli l’esclavage, ce sont les hommes et les femmes qui se sont rebellés pour la liberté qui l’ont conquise par la lutte. Gloire aux Noirs d’Haïti et des outre-mers qui ont imposé que la France soit à la hauteur des promesses de la République en abolissant l’esclavage ! Oui mes camarade, la France n’est la France du drapeau tricolore, de la devise liberté, égalité, fraternité et de la Marseillaise que quand elle est à la hauteur des promesses de la République. C’est -à -dire quand elle affirme non seulement dans les mots, mais aussi dans les actes, que le racisme n’a pas sa place sur son sol. Et voilà pourquoi la colonisation est une trahison du drapeau tricolore. Et voilà pourquoi la collaboration de Vichy est une trahison de ce qu’est la France. Car il ne peut y avoir de France que dans la République, c’est-à-dire dans l’égalité, la liberté et la fraternité. Voilà la France qui était dans le monde. Voilà celle qui fait notre fierté d’être français.

Cette France, c’est celle des Lumières, Cette France, c’est celle de l’amour. Oui, notre identité nationale est profondément antiraciste car elle est attachée aux symboles nationaux dont je viens de vous parler. Et voilà pourquoi c’est trahir ce qui fait nos racines françaises que d’avoir fait voter à l’Assemblée Nationale une loi dite immigration qui reprend les thèses de Marine Le Pen.

Préférence nationale, déchéance de nationalité, mise en cause du droit du sol. Honte aux députés macronistes qui ont appuyé ce jour-là sur le même bouton que Marine Le Pen. Gloire aux députés macronistes qui ont fait le choix d’appuyer sur le même bouton que les insoumis. Car ce jour-là, être patriote, c’était défendre les valeurs de la République. C’était appuyer sur le même bouton que nous et pas sur celui de Marine Le Pen.

Oui, camarades, notre identité nationale est antiraciste et c’est pourquoi le premier député noir de la République française, Jean-Baptiste Belley, affirmait le 11 février 1794, juste après l’abolition dans une fête pour l’abolition de l’esclavage, les choses suivantes : « c’est le pavillon tricolore qui nous a appelés à la liberté. C’est sous les auspices que nous avons recouvré cette liberté. Notre patriotisme est le trésor de notre prospérité, et tant qu’il ne restera dans nos veines une goutte de sang, je vous jure, au nom de mes frères, que ce pavillon flottera toujours sur nos rivages et dans nos montagnes. » 

Alors, l’histoire ne s’est pas passée comme cela et vous le savez, puisqu’en Haïti, il en a été différemment. Car Napoléon a trahi la France en essayant de rétablir l’esclavage en 1802 et en menant en Haïti une véritable guerre d’anéantissement des Noirs. Je ne peux malheureusement vous raconter l’entièreté de cette histoire sordide par manque de temps. Mais retenez ceci : Napoléon a perdu cette guerre. Le 18 novembre 1803, les troupes haïtiennes de Dessalines l’emportent sur celles de Rochambeau, envoyées par Napoléon. C’est la bataille de Vertières. La France est vaincue, mais elle a été vaincue dès le moment où Bonaparte en avait trahi les valeurs.

 Et le 1ᵉʳ janvier 1804, cela a été dit. l’Indépendance d’Haïti et la République d’Haïti sont proclamées. Ce jour là à Haïti à jamais phare des luttes contre l’esclavage et la colonisation, devient la première république noire du monde. Haïti, république sœur de la France. Haïti, qui a choisi pour drapeau le rouge et le bleu, c’est à dire les couleurs du peuple sans les couleurs du roi.

Haïti, qui a choisi pour devise Liberté, égalité, fraternité et l’union fait la force. Haïti, à qui nous devons tant et à qui pourtant nous avons fait payer pendant 150 ans une dette considérable pour reconnaître son indépendance. Alors je dis bravo  Haïti, Merci Haïti. Gloire éternelle à ta République sœur, à ton drapeau frère, à ta devise jumelle.

Viendra le temps où mon pays, la France, devra payer sa dette de sang et d’argent qu’elle a envers toi. Aujourd’hui nous célébrons ta victoire. Demain, nous serons main dans la main pour te rendre justice. Vive l’abolition ! Vive la révolution ! Et de Nantes à Port au Prince. Vive la République, Haïti et la France !

 Ingueta. 

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