La députée RN Gisèle Lelouis défendant son amendement raciste le 20 juin 2023 - Capture d'écran

Nationalité « pure » ou « impure » : le RN montre son visage raciste à l’Assemblée nationale

C’est un évènement grave mais passé quasi inaperçu dans la sphère médiatique traditionnelle, à l’exception d’un article de Ouest France repris par le Huffington Post : à l’Assemblée nationale ce mardi 20 juin 2023, le RN a déposé un amendement raciste lors de l’examen du texte sur les douanes. Il proposait d’interdire aux Français bi-nationaux de participer à la réserve de la douane, en faisant valoir des enjeux qui pourraient se poser dans la gestion des frontières. C’est la députée RN Gisèle Lelouis qui le défendait

Le vice et la Vertu

Il s’agit bien d’une idée profondément raciste, qui va contre la longue histoire républicaine et révolutionnaire de notre pays et s’inscrit plutôt dans la filiation pétainiste. J’expliquerai pourquoi en détail dans cette note. Mais je veux d’abord répondre à celles et ceux qui se diraient naïvement qu’il pourrait y avoir là une idée légitime et de pure efficacité parce que « c’est pas faux quand même que la douane il peut y avoir un enjeu sur le statut bi-national de la personne vu que ça concerne les frontières ». 

Le rôle de la douane est de lutter contre le crime. Plus précisément, contre la fraude fiscale, la contrebande et le trafic de drogue, de tabac, d’armes, de matériaux chimiques, etc. Ce qui importe dans le métier de douanier n’est pas la nationalité de celui qui l’exerce. Ce qui importe c’est qu’il soit aussi vertueux que possible et, si possible, incorruptible. Le crime peut être commis par des personnes de toutes les nationalités. Qu’on soit Allemand, Belge ou Français, on peut être un criminel et si on l’est, on doit être attrapé et puni. Le crime ou la lutte contre le crime ne sont pas une question de nationalité : c’est une question de vice ou de Vertu, comme je l’ai rappelé à l’Assemblée nationale. L’idée qu’une personne bi-nationale serait plus encline à commettre le crime ou à y participer qu’une autre (car même transmettre une information permettant de commettre un crime, c’est participer à sa commission) en raison de sa nationalité, c’est une idée qui est matériellement fausse et – on s’en rend peut-être déjà compte ici – profondément raciste. 

Nationalité « pure » et nationalité « impure »

Mais venons-en au cœur du problème. Pourquoi cet amendement est-il raciste ? Les 3,3 millions de bi-nationaux qui vivent dans notre pays ou au-dehors (5% de la population nationale) n’ont sans doute pas besoin qu’on leur explique ce qu’il y a de discriminant dans cette idée. Mais j’ai vu sur les réseaux sociaux certaines personnes affirmer que ce n’était pas du tout raciste et qu’on se demandait bien comment je pouvais avoir l’esprit aussi mal placé pour l’affirmer. 

Ce n’est pourtant pas très compliqué. En créant une réserve de la douane, et en permettant aux Français d’en faire partie, le gouvernement ouvre d’une certaine manière un nouveau droit : celui d’être douanier réserviste. C’est un droit qui vaut pour tous de la même manière. En limitant ce droit aux seules personnes étant « uniquement » françaises (c’est ainsi qu’est rédigé l’amendement), le RN crée deux niveaux de nationalité. Une nationalité « impure », celle des Français bi-nationaux et une nationalité « pure », celle des Français n’ayant que cette seule nationalité. À un « degré » différent de nationalité correspond un droit différent à être douanier réserviste. C’est ce que j’ai expliqué à l’Assemblée nationale.

L’idée de définir des droits différents en fonction de statuts nationaux différents est une idée traditionnelle de l’extrême droite. Particulièrement pour ce qui concerne l’accès aux métiers. Dans la loi du 3 octobre 1940 « portant statut des Juifs » (sic), le gouvernement du maréchal Pétain créait ainsi une nationalité « impure », celle des Français définis comme « juifs » suivant une prétendue règle de descendance remontant jusqu’aux grands-parents. Les articles 2 et 5 de cette loi, notamment, interdisaient l’accès aux Français dits « juifs » à un certain nombre de métiers publics ou privés. 

L’amendement porté par la députée RN Gisèle Lelouis participe de cette tradition raciste : non pas une nationalité ouvrant les mêmes droits pour tous, mais des degrés différents dans la nationalité ouvrant des droits différents dans l’accès aux emplois publics. Le RN fait donc bien la preuve une nouvelle fois, qu’il s’inscrit dans une tradition pétainiste. 

Le RN contre les Droits de l’Homme et du Citoyen 

J’ajoute un dernier point. Ce racisme s’oppose en tout point à la tradition républicaine et révolutionnaire française. L’accès de tous aux emplois publics est l’une des grandes revendications de la Révolution de 1789. Beaucoup d’emplois étaient en effet réservés aux seuls nobles ; d’autres étaient interdits en raison de la religion. Les révolutionnaires de 1789 vont donc affirmer l’égal droit à l’accès aux emplois publics en même temps qu’ils vont affirmer l’égalité des êtres humains. 

L’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 affirme ainsi ce principe simple : « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » On le voit ici : rien n’interdit l’accès à un emploi public en dehors des « vertus » et des « talents ». 

Quelques années plus tard, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793, celle de la Première République, affirme à son article 5 un principe similaire, mais plus absolu dans la forme : « Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois publics. Les peuples libres ne connaissent d’autres motifs de préférence, dans leurs élections, que les vertus et les talents. » Pour les républicains de 1793, ceux qui naissent en même temps que la Marseillaise, le drapeau tricolore et la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », mettre une autre règle que la vertu et le talent pour l’accès à un emploi public est non seulement une aberration mais un retour à l’asservissement (puisque seuls les peuples qui ne sont pas libres font autrement) ! C’est dire combien cette question est centrale dans la construction de la France moderne. 

Signal d’alerte

Cet épisode parlementaire, pour anecdotique qu’il puisse paraître compte tenu de son faible écho médiatique, doit pourtant être vu par les républicains sincères comme un signal d’alerte, car les politiques racistes les plus violentes se mettent rarement en place « d’un coup ». Cela a pu arriver dans le passé, bien sûr, mais le plus souvent elles sont en réalité le fruit d’un morbide et patient travail de séparation du peuple sur des bases prétendument objectives. Et l’une des premières étapes est aussi généralement de refuser tel ou tel emploi à telle ou telle catégorie de la population ainsi définie comme « séparée du peuple ». Puis vient le droit de vote. Puis vient le droit à la liberté. Puis vient le droit à l’existence elle-même dès lors qu’on a été assez séparé du reste du peuple pour que son humanité même soit niée. 

Oui, ce pourrait paraître un tout petit amendement sans importance dans un texte sur les douanes qui a lui-même eu peu d’audience médiatique. Mais cela n’en est pas un. C’est une première pierre parlementaire que le RN a tenté de poser pour construire une politique raciale. Et cela doit rappeler à tous les républicains dignes de ce nom pourquoi il ne peut jamais y avoir de signe « égal » entre l’extrême droite et n’importe quelle autre force politique. Le RN, en dépit de tous les coups de peinture, de toutes les cravates, de toutes les chemises, de tous les tailleurs, reste une force d’extrême droite dont l’essence même est de mettre à bas la République en détruisant ses valeurs, à commencer par l’Égalité. Il en a de nouveau fait la preuve ce mardi 20 juin 2023. La bête immonde ne change jamais et ne se domestique pas : elle se combat jusqu’à la victoire. 

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