Dissolution et clarification politique

La décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale le 9 juin dernier au soir de l’élection européenne a pris tout le monde de cours. C’est normal : c’était fait pour ! Le président de la République voulait jouer sur un effet de sidération pour obtenir une clarification politique à son avantage. Mais il a perdu ! Car cette clarification s’opère… contre lui ! 

Macron met un but contre son camp

Quel était l’objectif du président de la République ? S’appuyer sur la division de la gauche aux européennes pour résumer le match des législatives anticipées à un affrontement entre d’une part la macronie, aspirant une partie de LR et du PS, et d’autre part le RN. Avec l’idée de stigmatiser les deux bouts de l’échiquier politique, RN et LFI, en les mettant dans le sac fourre-tout « des extrêmes » pour se présenter en centralité et en garant d’un équilibre politique. Patatras ! C’est tout l’inverse qui se produit : la gauche se rassemble dans le Nouveau Front Populaire et le RN aspire une partie de LR dans son giron. Au milieu, Macron apparaît comme un joueur de poker qui continue à bluffer comme s’il avait un quarré d’as alors qu’il n’a même pas une paire dans son jeu (et que tout le monde le sait). 

Cette dissolution était prévisible. Mieux : elle était annoncée. Par les insoumis. Mais elle ne s’est pas produite au moment où nous l’attendions. J’explique. Lorsque LFI défendait l’idée d’une liste commune de gauche aux élections européennes, nous avions indiqué que si Macron décidait de dissoudre l’Assemblée pour faire tomber le vote du premier tour des législatives en même temps que le vote de l’élection européenne, nous aurions bien du mal à justifier d’être séparés dans une élection et unis dans une autre. Ce n’est pas ce qui s’est produit. Ou, pour être plus exact, nous étions dans l’erreur sur le timing mais pas sur l’intention. 

En décidant de dissoudre au soir de l’élection européenne, Macron pensait néanmoins atteindre l’objectif recherché. Comment la gauche pourrait-elle s’unir après avoir présenté des candidatures séparées ? Comment pourrait-elle le faire après la campagne de diabolisation de LFI méthodiquement orchestrée par la macronie pour assimiler les républicains laïques et antiracistes que nous sommes à l’islamisme et l’antisémitisme ? Et comment pourrait-elle le faire en fixant un délai de dépôt des candidatures si rapide (une semaine) ? Macron a en effet fait le choix de convoquer les élections dans le délai le plus court possible permis par la Constitution. L’objectif : provoquer le chaos à gauche, prendre de cours le RN et remettre son camp en ordre de bataille. 

Patatras, c’est tout le contraire qui s’est produit ! La remise en ordre de bataille ? Elle se fait à gauche avec la création du Nouveau Front Populaire. Le chaos ? Il se fait à droite avec Ciotti qui embarque son parti au RN avant de se faire débarquer par son parti puis de s’enfermer dans son siège. La prise de cours ? Macron l’a effectuée contre son propre camp et contre ses propres députés. Certains sont tellement dépités et sûrs de perdre qu’ils ne repartent même pas au combat, comme Olivier Dussopt, lessivé par une réforme des retraites dont personne ne voulait et que le Nouveau Front Populaire abrogera quand il arrivera au pouvoir. 

Dans cette séquence où le temps politique se dilate d’une manière incroyable, des clarifications politiques s’opèrent dans tous les sens à une vitesse vertigineuse. Tout à coup, face à l’urgence, chacun avance de manière accélérée sur la pente dans laquelle il s’était déjà engagé dans le passé. Et c’est ce dont je veux parler pour essayer, si je le peux, de donner un peu de clarté à ce qui s’opère en ce moment. 

Union et désunion

L’élection présidentielle de 2022 avait accouché de trois blocs politiques, représentant chacun un gros quart de la population en âge et en droit de voter – le quatrième quart étant resté dans l’abstention. Le premier bloc était celui du macronisme, qu’on pourrait résumer par un libéralisme économique dont plus personne ne veut et un autoritarisme politique pour l’imposer par la force (Cf. la réforme des retraites et les brutalisations institutionnelles et policières qu’il a fallu pour l’imposer). Le deuxième bloc était celui de l’extrême droite, qui ne remet pas en cause le capitalisme et ses dominations économiques mais vise au contraire à les maintenir par la division du peuple sur des bases de haine racistes et religieuses. Le troisième bloc, enfin, constitué autour du score de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle (près de 22%), est à l’inverse celui qui met en cause les dominations capitalistes et tout ce qui permet de les maintenir (haines racistes et religieuses, sexisme, etc.). Entre les deux derniers blocs, on voit les logiques politiques diamétralement opposées, quoique le système médiatique et macroniste parle des « extrêmes qui se rejoignent » d’une manière absurde. 

Pour être à la hauteur du moment historique en 2022, la plus grande partie de la gauche s’était rassemblée dans le cadre de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES). Elle l’avait fait avec un objectif de prise du pouvoir et un candidat naturel au poste de Premier ministre après le résultat de l’élection présidentielle : Jean-Luc Mélenchon. Et elle l’avait fait surtout avec un programme partagé de gouvernement qui tranchait nombre de débats à gauche. Ce programme actait la nécessité d’une rupture avec le bloc bourgeois ; il proposait le partage de la richesse au profit des travailleurs et au détriment des capitalistes. Dès lors, une voie claire pour le pays était tracée. Cette alliance, rappelons-le, était arrivée en tête de l’élection législative au premier tour, en dépit des bidouilles statistiques de Darmanin pour effacer ce résultat. 

À l’issue du second tour, l’élection législative de 2022 avait matérialisé le rapport de force parlementaire entre les trois blocs politiques du pays. Pour la macronie, 250 élus environ. Pour la NUPES, 150 environ. Pour le RN, 88. Ce que matérialisait cette Assemblée (aujourd’hui dissoute), c’était une majorité relative pour le président, une première force d’opposition évidente à gauche et, enfin, la création d’un groupe d’extrême droite au Palais Bourbon. Les insoumis avaient proposé à leurs partenaires de matérialiser ce rapport de force par la création d’un groupe commun de la NUPES afin d’être effectivement la première force d’opposition parlementaire. Cela avait malheureusement été refusé au profit de quatre groupes et d’un intergroupe de coordination. Mécaniquement, au Parlement, le RN devenait en nombre de députés le premier groupe d’opposition avec 88 membres tandis que les insoumis, premier groupe de la NUPES, en comptaient 75. 

Dès lors, le pouvoir macroniste disposait d’un outil pour lutter contre la NUPES : essayer de la diviser en utilisant LFI comme repoussoir. Il y aurait d’un côté la gauche « raisonnable » ou « responsable » et de l’autre les « bordélisateurs », les « sans cravate », etc. Je ne vous refais pas la musique, vous la connaissez. L’enjeu central pour le bloc macroniste était de détacher par unité ou par paquets des députés du bloc NUPES pour les attirer vers eux. Mais rien de tout cela ne s’est produit. Personne n’a rompu les digues au point de former une large coalition avec Macron, ce qui était l’objectif initial du président de la République.

En revanche, plusieurs évènements ont fini par matérialiser des manières de faire ou des approches très différentes à gauche, et nos adversaires se sont engouffrés dedans pour les exacerber à l’extrême et rendre difficile toute unité future. Le premier évènement a été la réforme des retraites et la cristallisation par nos adversaires des stratégies différentes qui pouvaient être adoptées à gauche pour affronter ce texte. Le second a été les manières différentes de réagir au meurtre de Nahel par un policier. Le troisième a été les réactions aux massacres du 7 octobre en Israël et aux massacres qui y ont fait suite de nouveau dans la bande de Gaza. À chaque étape, les camps macronistes, lepénistes et médiatiques ont parlé d’une même voix avec un objectif : isoler LFI en la traitant de tous les noms les plus insultants afin de rendre impossible toute solidarisation à gauche. C’est sans doute dans la dernière étape, c’est-à-dire le conflit israélo-palestinien, que la diabolisation de LFI a fonctionné avec le plus d’intensité et d’efficacité, l’accusation fallacieuse d’antisémitisme étant particulièrement infâmante pour les antiracistes que nous sommes. Certains groupes militants comme « Nous Vivrons » allant même jusqu’à se spécialiser dans la fonction de diabolisation de LFI sur ce sujet. 

L’élection européenne et ses conséquences

C’est dans ce contexte qu’intervenait l’élection européenne. Du côté de LFI, nous étions persuadés qu’il nous fallait former de nouveau l’unité réalisée aux législatives de 2022 pour consolider et renforcer le bloc que nous avions progressivement constitué dans l’élection présidentielle et législative. Du côté des autres forces politiques de la NUPES, chacun voyait sans doute midi à sa porte et avait l’espoir de sortir de cette nouvelle séquence électorale renforcé, il faut bien le dire, par la diabolisation de LFI. Pour dire les choses clairement : certains ont imaginé que l’élection européenne pouvait faire fonction de « Congrès de la NUPES » où serait jaugée, par la société, les rapports de force à gauche. Une gageure quand l’extrême droite est donnée à 30% dans les sondages et qu’il s’agit d’une élection où la moitié des citoyens ne vont généralement pas voter. Une gageure quand l’objectif commun devrait être, au moment où le macronisme s’effondre, de faire au moins jeu égal avec l’extrême droite et, si possible, de passer devant pour incarner une autre voie pour l’après-Macron que celle tracée par Bardella et le RN.

Ce qui devait se produire dès lors s’est produit. Même si tout le monde a mené sa campagne à 80% contre Macron et Le Pen, il est resté quelque 20% pour s’éclabousser les uns les autres de mots fleuris à gauche. Comment faire autrement quand les anathèmes pleuvent de tous côtés ? C’est la logique même d’une élection que de trancher entre des points de vue différents… il est donc normal qu’ils s’expriment à un moment où à un autre. Et c’est précisément aussi cela qu’une liste commune aurait permis d’éviter. Cela va sembler une lapalissade de le dire aussi simplement, mais l’union crée de l’unité et la désunion crée de la divergence. Et c’est précisément ce sur quoi tablait Macron pour réussir son coup de poker de la dissolution : une élection européenne qui donnait à voir des stratégies divergentes à gauche et sur lesquelles il pourrait s’appuyer pour faire exploser le bloc de gauche à l’occasion d’une dissolution et d’une recomposition de l’espace politique. 

Je ne reviens pas sur l’analyse de l’élection européenne et des rapports de force nouveaux qu’elle a donné à voir, car cela rallongerait inutilement cette note de blog. Je résume les choses de quelques mots : la mobilisation populaire qui s’est faite autour du bulletin de vote LFI (+ 1 million de voix par rapport à 2019) a montré à tout le monde qu’il était impossible d’envisager la gauche sans nous. Tous ceux qui prévoyaient que nous disparaîtrions littéralement dans cette élection, Macron en tête, en ont été pour leurs frais. Et si je le précise ici de quelques mots, c’est parce que c’est indispensable pour comprendre la suite des évènements. Car l’émergence du Nouveau Front Populaire et sa victoire aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet n’est possible qu’à la condition de permettre l’unité du peuple tout entier et, pour le dire de manière triviale, de permettre à chacun de s’y retrouver. 

Le pari perdu de Macron

Je l’ai dit, Macron espérait que la diabolisation systématique de LFI empêche la gauche de retrouver l’unité qu’elle avait réalisée en 2022. Son objectif était de constituer un bloc « central » rassemblant un ventre libéral sur une jambe LR et une jambe PS. L’émergence en 24h du Nouveau Front Populaire lui a directement coupé la jambe PS avant que le glissement de Ciotti à l’extrême droite ne le prive de la jambe LR. Reste donc avec lui le ventre mou du macronisme, incapable d’avancer, surpris par le chef de l’État qui vient de scier la branche sur laquelle ils pensaient être assis confortablement pour encore trois ans. Macron espérait balayer la gauche et rejouer partout des deuxièmes tours « Le chaos RN ou l’ordre macroniste ». Il misait à pile ou face sur un coup de poker : soit une majorité macroniste et les mains libres pour continuer sa casse sociale avec la réforme de l’assurance chômage ; soit une majorité lepéniste et une cohabitation d’un an avec Bardella avant une nouvelle dissolution, ou bien sa propre démission, ou bien encore l’activation de l’article 16 de la Constitution (c’est-à-dire les pleins pouvoirs) en cas de troubles majeurs à l’ordre public. 

Mais rien ne s’est passé comme prévu pour Macron : en 24h, le Nouveau Front Populaire s’est constitué. En quatre jours, il s’est doté d’un programme et d’un accord électoral permettant l’unité à gauche dans toutes les circonscriptions du pays à quelques très très rares exceptions près (une quinzaine en 2024 contre 82 en 2022). En quatre jours, il a su rassembler de manière très large, au-delà même du PS et de LFI. Incroyable, impensable le 9 juin à 19h59. Mais pourtant, c’est bien ce qui s’est produit. Et c’est grâce à la constitution de ce Nouveau Front populaire que s’opère la clarification politique dont notre pays a besoin. 

Clarification politique

J’ai dit plus haut que « face à l’urgence, chacun avance de manière accélérée sur la pente dans laquelle il s’était déjà engagé dans le passé ». C’est ce qui se produit. Et c’est dans cette accélération de l’Histoire où une semaine semble durer trois mois que s’opère la clarification politique. 

La gauche ne se rassemble pas ex-nihilo : elle se rassemble de nouveau, comme elle l’avait fait aux précédentes élections législatives en 2022. Elle ne le fait pas en partant de rien sur le plan programmatique : elle le fait en partant d’une base actée en 2022 sous le nom de programme partagé. Bien sûr, celui-ci est mis à jour ; bien-sûr, il a fallu trancher dans la clarté des débats qui avaient pu nous amener à échanger de manière un peu vive dans l’élection européenne. Mais le chemin emprunté en 2022 est ici prolongé, continué, confirmé : la voie de la victoire à gauche se trace dans l’unité. Immédiatement, cela suscite l’espoir de tous ceux qui, en 2022, espéraient une victoire et l’ont parfois frôlée dans telle ou telle circonscription à 500, 200, 100 ou même 10 voix parfois. Tout le monde sait que c’est possible, qu’on peut le faire. L’unité se fait dans la clarté : on sait nos différences, mais on a su insister sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui nous divise. C’est la voie de la victoire et d’une gauche prête à gouverner. 

En face, la clarification idéologique s’opère aussi. Bardella renonce à abroger la réforme des retraites et il renonce à faire la TVA réduite sur les produits de première nécessité. Toutes les mesures prétendument sociales de son programme sont bazardées en l’espace d’une semaine… D’un seul coup, tout le monde peut se souvenir que si on qualifie le RN d’« extrême droite », c’est parce que sur tous les plans, y compris sur le plan économique, le RN est une version aggravée de la droite. Fort logiquement dans cette clarification, la droite qui usurpe le nom de « républicain » part en morceaux chez Le Pen. La droite LR parlait comme le RN sur l’immigration et maintenant le RN parle comme la droite LR sur les retraites ; que l’alliance se fasse entre Ciotti et Le Pen n’est au fond qu’une autre clarification. Et si les mouvements de protestation des uns et des autres en désaccord avec Ciotti chez LR sont louables, ils sont nécessairement voués à l’échec à moins de recomposer une force de droite réellement républicaine, c’est-à-dire qui rompe de manière claire avec le vocabulaire de Le Pen contre les immigrés et les musulmans. Mais pour cela, encore faut-il le vouloir et n’avoir pas été contaminé par le RN jusque dans les têtes et dans les coeurs. Est-ce encore possible à droite ? Je l’espère mais j’en doute. C’est de toute façon impossible tant que s’exerce en pression le casse-noix macroniste au milieu de l’échiquier.

Car le macronisme lui aussi avance sur sa pente naturelle. L’illusion du « ni droite ni gauche » a vécu : le macronisme est simplement « ni de gauche, ni de gauche ». Il a fait la réforme des retraites dont Ciotti rêvait. Il a fait la loi immigration dont Le Pen rêvait. Bref : la pente du macronisme l’emmène à droite sur le plan économique et à l’extrême droite sur les questions migratoires et de sécurité. Dès sa première conférence de presse après la dissolution, Emmanuel Macron a ciblé les immigrés et les musulmans, à travers le dévoiement du mot « laïcité ». Exactement comme le fait l’extrême droite. Il a ciblé aussi un seul mouvement politique comme son principal adversaire : LFI. Quelques jours plus tard, le voilà qui s’en prend aux personnes trans. Le centre de gravité du macronisme l’emmène à la fusion idéologique accélérée avec le RN débarrassé des mesurettes sociales de son programme. Il n’y a d’ores et déjà plus trois blocs politiques dans notre pays : il n’y en a plus que deux, et le premier tour de l’élection législative produira la matérialisation de ce phénomène puisque le macronisme en tant que force politique autonome sera balayé de la carte. 

La victoire réside dans la clarté politique

« À la fin, ça se terminera entre eux et nous », dit Jean-Luc Mélenchon depuis des années. « Eux », c’est l’extrême droite. « Nous », c’est la gauche reconstituée sur des bases démocratiques, sociales, écologistes et surtout humanistes. On y est. On pensait que ça se produirait en 2027, mais on y est. On nage dedans. Et dans cette accélération de l’Histoire politique de notre pays, il faut avoir de la clarté dans l’analyse pour en avoir dans l’action. Car si la gauche a su s’unir dans l’urgence face à l’ampleur du défi qui lui était posé, – c’est-à-dire vaincre l’extrême droite dans les urnes, – elle ne doit pas fléchir sur ce qui rend possible la victoire. Elle doit s’homogénéiser politiquement et idéologiquement sur un certain nombre de sujets et admettre qu’il faut maintenant aller à la bataille frontalement avec l’extrême droite sans biaiser, sans glisser sous le tapis les sujets qui dérangent, sans trembler et sans fléchir. L’enjeu est là. 

Bien sûr, la clarification idéologique et politique est en train de s’opérer sur les questions économiques et sociales : le RN ne défend pas les travailleurs mais le grand patronat, et désormais tout le monde le voit. Ceux qui pensaient qu’il suffisait de crever cette bulle d’illusion pour que le RN recule et que la gauche progresse devraient être ravis ! Et pourtant, chacun sent au fond de lui, que cela ne suffira pas maintenant que l’extrême droite et ses thèmes sont installés dans le paysage politique et médiatique, qu’il faut autre chose, qu’il manque un outil dans l’arsenal de lutte pour emporter la victoire. 

Car les élections législatives des 30 juin et 7 juillet prochain ne se joueront pas seulement sur les questions de pouvoir d’achat, et chacun le sait et le sent autour de lui dans les échanges qu’il peut avoir avec les uns et les autres. Ce qui se joue dans cette élection, c’est la définition de la France comme patrie républicaine. Et Jordan Bardella a placé directement l’enjeu sur la pierre angulaire idéologique : son urgence, c’est la suppression du droit du sol. Exit les questions sociales : reste la question politique de définition du peuple français. À l’extrême droite, le droit du sang. À gauche, le droit du sol. Au RN : le peuple ethnique. Au Nouveau Front Populaire : le peuple politique regroupé autour de sa devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». 

Pour des millions de nos compatriotes, l’arrivée au pouvoir du RN signifie la mise au ban définitive de la France. Au quotidien, ils vivent le racisme en raison de leur couleur de peau ou de leur religion. Quand ils voient Bardella à 30%, ils le vivent comme une insulte à ce qu’ils sont. Quand ils l’imaginent au pouvoir, ils se disent qu’ils vont devoir quitter notre pays alors que c’est le leur, qu’ils l’aiment et qu’ils veulent y vivre en étant considérés à égalité et en fraternité avec leurs compatriotes. Rien de plus, mais rien de moins. Ce qui se joue, pour eux, c’est la possibilité même que la France soit encore la France, terre d’accueil et d’asile depuis des siècles, pays des Droits de l’Homme et du Citoyen depuis la Révolution. Ce qui se joue, au fond, c’est ce qu’on met derrière le drapeau tricolore et la Marseillaise : le racisme de Le Pen ou la France fraternelle de Mélenchon. 

Oui, à la fin, ça se termine bien entre eux et nous. Et sur l’angle dur idéologique : France ethnique ou France républicaine ?  Racisme ou antiracisme ? Le Pen ou Mélenchon ? Et c’est la raison pour laquelle la question du Premier ministre n’est pas d’abord une question de personne mais est d’abord et avant tout un enjeu idéologique et programmatique. J’ai dit hier sur France Info TV puis au Zawa Talk que je défendais la candidature de Jean-Luc Mélenchon à ce poste, je le redis. Non pas parce que j’aurais pour lui quelque affection particulière – j’en ai une, bien-sûr, puisque j’ai travaillé pendant 10 ans avec lui et qu’il est aujourd’hui un de mes amis, – mais parce que je le considère d’abord et avant tout comme le meilleur pour aller jusqu’au bout de ce que cet affrontement idéologique impose. Et parce que je le considère comme le plus fiable, en cas de victoire, pour appliquer jusqu’au bout et le plus vite possible le programme du Nouveau Front Populaire. Sa signature en bas d’un document a plus de valeur à mes yeux que celles d’autres personnes. On a le droit de ne pas être d’accord avec moi ; j’ai le droit de le penser et de le défendre comme option préférentielle. 

La clé de l’élection c’est la participation

Je dis une dernière chose. L’élection législative de 2024 ne se joue pas sur les reports de voix de l’élection européenne de 2024. Sauf à considérer qu’on ne veut pas de majorité pour le Nouveau Front Populaire, car les seuls reports de voix sont à notre désavantage. Non : ce sont les abstentionnistes de l’européenne qui tiennent dans leurs mains les clés du futur de notre pays et de notre peuple. Il faut bien sûr convaincre les électeurs de gauche de l’européenne de voter pour le Nouveau Front Populaire pour gagner. Mais il faut aussi et surtout convaincre les millions d’abstentionnistes du 9 juin d’être des votants le 30 juin et le 7 juillet. C’est l’avenir du pays qui se joue. Je crois que chacune et chacun l’a bien compris et que nous assisterons à un sursaut de mobilisations pour ces élections législatives comparées aux précédentes. 

Je crois aussi qu’il y aura quelques surprises avec l’entrée en mouvement de millions de gens qui ne l’avaient pas fait dans l’étape précédente. Cette masse immense du peuple français qui n’a rien dit va parler. Peut-être pas en entier, peut-être pas complètement, mais il est certain qu’elle a des choses à dire. Je crois, pour ma part, que le peuple français a dans son cœur de puissants ressorts antiracistes et antifascistes. Et cela se résume en un mot : républicain. Et cela se résume en un bulletin de vote : Nouveau Front Populaire. 

J’en suis pour ma part convaincu : les 30 juin et 7 juillet, le peuple français peut écrire une grande et glorieuse nouvelle page de son Histoire nationale. Une de ces pages magnifiques qu’on apprendra à nos enfants et nos petits enfants en disant : « j’y étais, j’ai vécu ça, on l’a fait ». Le 9 juin, on a déjà fait beaucoup. Depuis, on a déplacé des montagnes. Il nous reste quelques jours pour obtenir la victoire. On la sent au bout de nos doigts. On peut presque la toucher. Alors, comme dirait le vieux, où que vous soyez et quelles qu’aient été les actions que vous ayez déjà menées jusqu’alors pour y parvenir… « faites mieux ! » Et demain nous chanterons enfin le temps des cerises.

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