Le vendredi 23 février 2018, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire était en visite à l’usine PSA de Mulhouse en compagnie de Carlos Tavares, PDG de la boîte, dont le salaire en 2016 était de 4,7 millions d’euros (soit 329 années de smic). Mais la visite ne s’est pas vraiment passée comme prévu !
En effet, le ministre a été accueilli par plusieurs ouvriers de l’entreprise qui l’ont interpellé sur la multiplication des contrats d’intérim, la faiblesse des salaires, le chômage de masse, la destruction du service public et les écarts de richesses considérables entre les ultrariches de notre pays gavés d’argent et les travailleurs qui n’ont pour vivre que leur salaire, parfois inférieur au smic. Un brillant réquisitoire contre la politique d’Emmanuel Macron que Bruno Le Maire a balayé du revers de la main avec mépris non dissimulé. La scène a été entièrement filmée.
Un ouvrier, qui se présente dans la vidéo comme un syndicaliste de la CGT, interpelle d’abord les deux hommes : « Monsieur Le Maire, monsieur Tavares, comment vous allez ? Bonjour ! Ça va bien ? ». Ces mots sont importants car quelques minutes plus tard, mis en difficulté, Bruno Le Maire feindra de n’avoir pas été salué par l’homme qui l’interpelle. Ce dernier enchaîne : « Ça va très bien pour les actionnaires ! Ça va très bien pour monsieur Tavares qui touche 15 000 euros par jour ! Ça va très mal pour les intérimaires qui, ici, vous savez combien ils touchent, certains ? Moins de 1 000 euros [par mois] ! ».
Puis il décrit la situation et interroge le ministre sur la politique économique du gouvernement : « On était 14 000 dans cette usine, on est 7 000. Alors ici, ils sabrent des emplois. Dans la fonction publique, vous allez sabrer des emplois. Chez les cheminots, vous allez sabrer des emplois. Quand est-ce que vous allez arrêter ? Ils sont riches à milliards ! Vous voulez quoi ? Ils sont obèses de fric ! Vous voulez quoi ? Qu’ils fassent encore plus de pognon ? Quels emplois vous avez créés ? Il y a une reprise ? Elle est où la reprise ? »
Puis Bruno Le Maire répond, à côté de la plaque : « Votre vision de l’économie, c’est celle qui coule la France depuis des années ». Réponse du tac-o-tac : « Vous, vous coulez les travailleurs ». Sans trembler des genoux, Bruno Le Maire reprend : « Vous faites partie de ces gens qui menez le pays à sa ruine ». Huées légitimes dans le petit groupe qui écoute là conversation. Et là encore, belle répartie de l’homme qui l’interpelle : « C’est vous qui menez le pays à sa ruine. Les six millions de chômeurs, c’est vous ! C’est vous, les six millions de chômeurs, c’est pas nous. Nous, on travaille, monsieur ! »
Ne supportant visiblement la discussion, Bruno Le Maire finit par lâcher : « On vous a appris à écouter, monsieur, de temps en temps, ce qu’on vous dit ? ». Réponse : « Vous rigolez ou quoi ? Vous savez, vous vous passez souvent à la télé, on vous écoute souvent. On vous paye à faire des choses, vous ne faites rien pour les ouvriers. Écoutez-nous pour une fois que vous en avez un en face de vous ! ». Puis après un nouvel échange, Bruno Le Maire demande : « Vous me prenez pour qui ? ». Nouvelle réponse admirable : « Pour un ministre des finances qui est copain avec Tavares ».
L’échange se poursuit. Plusieurs autres ouvriers présents interviennent à leur tour. Ils décrivent la situation de l’entreprise : des bénéfices record mais seulement 19 euros d’augmentation pour les ouvriers et un très petit nombre d’embauches. Le ministre décrit ensuite sa politique : baisse des « charges » sur les salaires et développement de la participation aux bénéfices de l’entreprise. Réponse à l’unisson de ses interlocuteurs : « Ce n’est pas d’une prime qu’on a besoin, c’est d’argent tous les mois » dit l’un, « Ça ne paye pas la retraite, ça ne paye pas la sécurité sociale, la prime », dit un autre.
Le ministre se plaint alors de ne pas pouvoir discuter. L’homme qui l’avait interpellé en premier reprend : « Et les ordonnances, vous avez discuté ? ». Bruno Le Maire hausse alors le ton et assène : « Les ordonnances, monsieur, elles ont été voulues par le peuple français qui a voté pour le président de la République ». Rires moqueurs dans le groupe. « Faux ! » répondent plusieurs personnes.
C’en est trop pour le ministre, visiblement excédé par l’échange. Il s’en va après avoir déclaré : « Le peuple français compte plus que trois syndicalistes qui ne veulent pas discuter avec ceux qui veulent construire et améliorer la situation. Le peuple français, il a tranché, il a décidé, et c’est lui que nous écoutons. Plus que vous ». Nouvelles huées face à ces propos complètement déconnectés de la situation politique du pays.
Au total, le ministre aura donc pour une fois dû faire face à la réalité de la politique économique que met en œuvre Emmanuel Macron. Celle des gens qui connaissent la précarité de l’emploi avec l’intérim et la faiblesse des salaires, qui stagnent ou augmentent de manière purement symbolique. Deux mondes face à face : d’un côté, celui de l’oligarchie, des puissants, du ministre « copain » avec le patron de la boîte gavé de fric ; de l’autre, celui du peuple, des gens qui bossent pour gagner leur salaire chaque jour, qui triment, qui n’en peuvent plus de voir ce pays géré n’importe comment pour les intérêts de quelques uns et au détriment du grand nombre.
Merci à ces ouvriers de PSA courageux ! Leurs mots sont ceux de tout un peuple !