Un drapeau france insoumise dans une manifestation
Crédit photo : Claire Jacquin

Ce que « faites mieux » veut dire

Puisque certains députés insoumis ont choisi de porter sur la scène publique les débats qui pourraient pourtant se faire dans d’autres cadres, il me semble désormais nécessaire d’apporter des réponses argumentées. En effet, et je le regrette, une partie de notre temps de parole médiatique est maintenant utilisée non pas pour défendre La France insoumise et ses propositions, mais au contraire pour critiquer notre mouvement. Il est vrai que le système médiatique est toujours généreux avec ceux qui critiquent LFI ou Mélenchon. Ce que décrivait d’ailleurs très bien Raquel Garrido à propos de Clémentine Autain auprès de Regards en 2019 : « Elle sait très bien, Clémentine, qu’il y a toujours une place au soleil médiatique pour quiconque veut être l’instrument de ce règlement de comptes avec La France insoumise : c’est ça qui est déloyal ». 

Une question de cadre

D’abord, il est faux de dire qu’il n’existe aucun cadre de discussion stratégique. Contrairement à d’autres qui sont de mauvaise foi sur le sujet, François Ruffin a eu l’honnêteté de le dire sur Quotidien le 8 février dernier, interrogé sur la stratégie de La France insoumise : « C’est une question qui se pose, donc que j’ai posée publiquement, que j’ai posée aux universités d’été, ce qui montre que c’est possible d’en discuter la France insoumise ». Les universités d’été sont en effet un cadre de discussion stratégique, mais il y en a d’autres. Ainsi, nous avons eu ce type d’échanges dans toute la France lors de l’Assemblée représentative de notre mouvement à la fin de l’année 2023. Groupe d’action par groupe d’action, puis département par département dans les boucles départementales, puis au niveau national, nous avons débattu des orientations stratégiques du mouvement. Oui, il est vrai que contrairement aux partis politiques traditionnels, nous ne fonctionnons pas avec des motions concurrentes, qui créent des minorités et des majorités – et qui masquent souvent des désaccords de personnes derrière des désaccords idéologiques. C’est une fierté. Nous avons inventé une façon de faire qui crée du consensus plutôt que de la division. Qu’elle soit imparfaite, c’est bien possible, et à chaque étape nous essayons tous de « faire mieux ». Mais il est faux de dire qu’il n’y a pas de cadre. Il est faux de dire aussi qu’il ne peut y avoir dans ce cadre aucune critique, puisque le point de départ de la discussion est de dire si l’on est en désaccord profond avec le texte d’orientation qui est proposé. Et c’est seulement si ce n’est pas le cas qu’on travaille ensuite à l’amender si le désaccord est partiel ou qu’il y a au contraire un accord large moyennant quelques modifications. Il est faux, aussi, de dire qu’il n’y a pas de vote puisqu’il y en a un à la fin du processus. Peut-être que ce qui dérange certains est finalement que, dans les échanges des boucles départementales, les députés y soient considérés comme des militants parmi d’autres, ayant voix au chapitre comme tous ceux dont la légitimité procède de leur mobilisation dans les groupes d’action.

Ensuite, si le problème était d’avoir un cadre de discussion plus « resserré », il ne faut pas oublier qu’un tel cadre existe. Il s’agit du « Conseil politique », dans lequel aucune des personnes qui critiquent dans les médias la prétendue absence de cadre de discussion n’a daigné participer. D’autres cadres existent, au niveau du groupe parlementaire, concernant cette fois le travail strictement parlementaire (en théorie, même si des discussions stratégiques concernant d’autres secteurs s’y invitent régulièrement) : la réunion de groupe hebdomadaire, d’abord, mais aussi un autre créneau libéré dans nos agendas pour – précisément ! – discuter stratégie quand le besoin s’en fait sentir et que la réunion de groupe hebdomadaire n’y suffit pas. Mais pour le savoir, encore faut-il s’intéresser à la vie du groupe parlementaire… Par ailleurs, il n’est pas impossible non plus de proposer des échanges, soit en groupe soit lors de moments plus informels. J’ai d’ailleurs cru comprendre que certains échanges très stratégiques pour 2027 se faisaient autour de dîners où la pomme de terre était mise à l’honneur mais où tous les insoumis n’étaient pas les bienvenus, sans doute par souci de démocratie culinaire et de transparence patatière. 

Politique et pommes de terre

Pour celles et ceux – nombreux ! – qui n’auraient pas suivi cette histoire, ce que je raconte ici est ce que nous apprenait un article de Libération publié en octobre dernier, et qui faisait état de dîners rassemblant les insoumis quinquagénaires (Clémentine Autain, Raquel Garrido, Alexis Corbière et François Ruffin), un ou des socialistes (Jérôme Guedj est mentionné), un ou des communistes (Elsa Faucillon mentionnée) et un ou des écologistes (Julien Bayou mentionné)… autour de « pommes de terre à la portugaise » (cliquez ici pour une bonne recette sur Marmiton). Pas de bol, nous apprend désormais Libération, ces dîners ont cessé. Motif, rapporté par un des convives cités par le même journal : « Depuis que vous avez sorti le truc, ça s’est arrêté. (…) Ça a vexé des gens qui se demandaient pourquoi ils n’en étaient pas alors qu’ils avaient leur place ». Problème de démocratie interne, sans doute, ou manque de transparence. Toujours est-il que ça s’est arrêté… mais que ça continue sous d’autres formes, selon Libération qui est décidément bien informé : « Il y a aussi des boucles de discussion sur WhatsApp ou Telegram, des cafés à l’improviste ou des repas organisés de tous les côtés. Et des absents qui essaient d’en déterminer les contours ». Transparence et démocratie, donc. 

J’essaie de présenter cela avec humour à celles et ceux qui me liraient ici, mais tout ceci est sérieux. L’article de Libération nous apprend que ces rencontres et échanges informels fixent un objectif : sortir de l’élection européenne avec une France insoumise affaiblie, un Parti socialiste renforcé, et placer ce parti en position de proposer une candidature commune de la gauche pour 2027. Par quelle méthode ? Une « primaire » dite « de casting », selon les mots d’Olivier Faure, destinée à choisir un candidat ou une candidate non pas sur la base d’un programme – celui-ci serait négocié avant – mais sur la seule base de sa bonne tête. Je me demande bien de quoi débattront les candidats… « – Moi je suis plus beau ! – Oui, mais moi je parle mieux ! – Oui mais moi je suis plus belle ET je parle mieux ! – Certes mais par contre moi je suis plus sympa ! »… Ça promet ! En tout cas, si les socialistes veulent faire un score aux élections européennes, c’est pour servir un objectif qui semble bien politicien. Voici ce qu’écrit Libération : « La direction socialiste veut (…) concrétiser les choses le 10 juin, au lendemain du scrutin [de l’élection européenne du 9 juin]. Pour les partisans de l’union, c’est là que tout se jouera vraiment. “Plus haut on sera, plus on aura de force et de légitimité pour lancer la primaire”, affirme la présidente des jeunes socialistes, Emma Rafowicz, elle-même candidate PS aux européennes ». 

Je résume donc. Alors que les insoumis ont proposé à leurs partenaires de la NUPES de faire une liste commune aux élections européennes, alors que nous sommes même allés jusqu’à proposer la tête de liste aux Verts pour cette liste commune, le PCF, EELV et le PS ont préféré partir en listes séparées. Nous pourrions viser la première place tous ensemble dans cette élection et incarner la meilleure et la plus forte alternative à Macron en étant devant le RN comme nous l’avons fait avec la NUPES pendant l’élection législative, mais non : division. Tout ça pour transformer l’élection européenne en congrès de la NUPES ! Ce n’est vraiment pas à la hauteur du moment historique que nous vivons. Cela n’est pas le moyen de combattre efficacement la pente d’extrême droite dans laquelle notre pays est entraîné par la reddition morale et politique de la macronie au RN après le vote de la loi sur l’immigration. J’en veux beaucoup aux directions politiques de la gauche traditionnelle qui préfèrent creuser elles-mêmes l’abîme dans lequel elles cherchent à entraîner tout le monde pour ensuite dire : « regardez l’abîme qui est devant nous ! ». C’est un mépris terrible pour l’intelligence des électeurs de la NUPES qui comptaient sur nous. 

Savoir se préparer et savoir renoncer

Le plus décevant à mes yeux est que, par ambition personnelle dans l’élection présidentielle, certains de mes camarades insoumis quinqua se laissent à l’évidence entraîner dans ce piège. Je doute que tous soient vraiment d’accord avec ça, en particulier Alexis Corbière, auteur d’un très bon livre intitulé « Le Piège des primaires » et dans lequel il critique ce système de désignation d’un candidat. D’ailleurs, l’échec de la « Primaire populaire » à la dernière présidentielle doit aussi être dans les têtes de celles et ceux qui se laisseraient tenter. Je m’empresse ici de dire une chose. Je ne reprocherai jamais à aucun de mes camarades d’avoir de l’ambition pour eux-mêmes ou d’avoir ce que certains appellent parfois « un problème d’égo ». Je le dis même sans barguigner : dans le système très césariste de l’élection présidentielle, cette ambition et cet « égo » sont quasi-indispensables pour accepter de voir sa tête partout, tout le temps, sur des affiches et à la télé, dans tout le pays, serrer des mains et faire des selfies pendant des mois, ne plus avoir de vie privée et surtout être placé directement en face du canon à merde médiatique qui ira creuser dans le moindre recoin sombre de la vie personnelle de la candidate ou du candidat. Tous les candidats à la candidature ont-il bien compris qu’il s’agissait de cela ? Il faut de l’ambition et une bonne estime de soi pour résister à une telle pression. J’ajoute aussi que plus il y a de gens qui se préparent chez nous à une candidature à l’élection présidentielle, mieux c’est, car on ne sait jamais ce qui peut arriver, surtout quand des menaces de mort pèsent sur les uns et les autres, encouragées d’ailleurs par un système médiatique qui nous salit en continu. Mais je dis aussi ceci : être un bon militant de notre cause et un bon camarade, c’est aussi savoir se dire qu’une autre ou qu’un autre que soi peut « faire mieux » que soi-même. C’est l’admettre. C’est savoir ne pas s’accrocher inutilement à l’envie d’être candidat si cela dessert la cause et le collectif. C’est trouver l’équilibre entre ce qu’on veut pour soi et ce qu’il faut pour tous. Et c’est cela qui est, sans doute, le plus difficile une fois qu’on s’est mis dans la tête qu’on devait être candidat. J’attends donc de tous mes camarades une chose simple : qu’ils soient prêts à y aller et qu’ils soient prêts à y renoncer.

Alexis Corbiere piège des primaires
Alexis Corbière – Le Piège des primaires

Je pense qu’une partie du problème vient de là. Et je le dis sans animosité à mes camarades, en espérant qu’ils pourront eux-mêmes y voir plus clair dans ce moment si particulier à la fois de leur vie personnelle, de notre vie militante collective et de l’Histoire de notre pays lui-même. Voici l’équation qui est posée. Pour nos partenaires de la NUPES, il y a deux problèmes avec LFI : d’abord, la radicalité de notre programme, qui constitue une rupture claire et nette avec le capitalisme (problème qui ne se pose pas pour le PCF et Génération·s mais seulement pour le PS et EELV) ; ensuite, notre candidat à l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, qu’ils pensaient tous enterrer en 2022 et qui a fait 22% et 8 millions de voix à l’élection présidentielle. Bien sûr, pour les insoumis, cela ne constitue pas des problèmes mais des atouts : plus le système capitaliste et la Ve République montrent leurs limites, plus notre programme apparaît en phase avec les aspirations du peuple, et plus la figure de Jean-Luc Mélenchon est un point de repère pour beaucoup de gens. La violence actuelle des attaques contre lui venant du système politico-médiatique montre d’ailleurs combien il reste craint et redouté par ceux qui n’avaient pas intérêt à ce qu’il arrive au pouvoir en 2022. Ce qui est regrettable, en conséquence, c’est que certains de mes camarades insoumis se laissent entraîner dans l’ambiance « il faut préparer l’après-Mélenchon » – comme si, d’ailleurs, Jean-Luc allait disparaître. C’est inefficace et c’est dangereux, parce que cela nous fait entrer dans une logique d’affaiblissement collectif. 

Je crois que tout ça vient d’une incompréhension sur les termes utilisés par Jean-Luc Mélenchon lui-même. Non pas qu’il n’ait pas été clair, car il l’a été. Mais je pense qu’il a été mal compris. Il y a deux moments. D’abord le soir du premier tour de l’élection présidentielle où notre candidat a marqué les esprits en disant : « Faites mieux ! », qui donne son titre à son nouveau livre. Ensuite une interview dans Reporterre, publiée le 6 septembre 2022, et dont le titre choisi par le journal était : « Jean-Luc Mélenchon : “Je souhaite être remplacé” ». Entre ces deux moments, et n’entendant sans doute que ce qu’ils avaient envie d’entendre, certains se sont dit que deux points formaient une ligne et que c’était « leur moment » ou, au minimum, « le » moment de « préparer l’après-Mélenchon ». Ce qui donne par exemple chez Alexis Corbière sur France Info le 8 septembre 2022 (deux jours après l’interview de Jean-Luc) : « Pour moi qui fais de la politique depuis plus de 25 ans avec Jean-Luc Mélenchon, c’est une nouvelle étape de notre vie collective. (…) C’est un homme qui a beaucoup apporté, qui nous a dit au second tour de la présidentielle “Faites mieux” ». On voit combien le lien entre les deux déclarations est fait dans une équation mathématique : « être remplacé » + « faites mieux » = « il faut un nouveau candidat ou une nouvelle candidate qui fasse un meilleur score que Jean-Luc ». C’est ainsi en tout cas que l’a compris François Ruffin, affirmant chez Quotidien le 8 février 2023 : « Jean-Luc Mélenchon a dit qu’il ne se présenterait pas à la prochaine présidentielle. (…) Il a dit qu’il passait le relais, que c’était à nous de faire mieux ». Le 16 octobre 2023, sur Public Sénat, Alexis Corbière faisait quant à lui une quasi-déclaration de candidature : « Quand on donne un mandat en disant aux gens qu’il souhaite être remplacé… je m’y emploie ».

Je l’ai dit : je pense que c’est utile et que c’est nécessaire que des camarades se préparent à l’élection présidentielle. Et je redis : préparez-vous à y aller et préparez-vous aussi à y renoncer, car à la fin il n’y en aura qu’un ou qu’une. Mais la vraie question qui subsiste est : « pour faire quoi ? ». Pour eux-mêmes ? Pour un collectif ? Pour un programme ? La réponse se résume généralement dans un vague : « pour faire mieux [que Mélenchon] », ce qui me semble un objectif ambitieux, mais qui me semble aussi interdire toute critique sur l’égo de qui que ce soit. En tout cas, là est toute la question : pour faire quoi ? Et je pense qu’il est utile de réécouter et de relire précisément ce qu’a dit Jean-Luc Mélenchon au soir du premier tour de la présidentielle 2022 et dans son interview à Reporterre. Non par adulation de notre gourou tout-puissant, car il n’y a que les médias pour croire ça, – ou plutôt pour essayer de le faire croire, – mais uniquement pour éviter les malentendus et les quiproquos. 

Ce que « faites mieux » veut dire

Précisons, donc. Au soir du premier tour, Jean-Luc Mélenchon a dit : « Bien sûr, les plus jeunes vont me dire : “Alors on n’y est encore pas arrivé ?”. C’est pas loin, hein ? Faites mieux ! Merci ». Son appel est lancé aux plus jeunes. Mais sur quelle base ? Elle est exprimée juste avant : « Tant que la vie continue, le combat continue ! (…) Vous n’êtes ni faibles, ni sans moyens. Vous êtes en état de mener cette bataille, et la suivante, et la suivante autant qu’il y en aura. Regardez-moi : je n’ai jamais lâché prise, je n’ai jamais cédé, je n’ai jamais baissé le regard et c’est de cette façon-là que nous avons construit cette force. Alors maintenant, c’est à vous de faire. Dans la bataille qui arrive, nous avons constitué le pôle populaire. (…) Nous disons à tous ceux qui jusque là n’ont pas voulu l’entendre : ici est la force, nous avons une stratégie, un programme, nous avons d’autres élections, nous tiendrons à chaque étape notre rang. Réfléchissez-y ! ». Il faut être clair : « Faites mieux ! » n’a jamais été un appel aux individualités ou aux batailles de succession. C’est tout au contraire un appel collectif à la lutte sur des bases programmatiques validées par le vote de 8 millions de nos compatriotes. Et aussi sur un mode d’action : « Je n’ai jamais cédé, je n’ai jamais baissé le regard ». J’y vois, moi, une manière de faire qui parle aussi des débats stratégiques que nous avons en ce moment. Et l’exacte même logique préside dans l’interview de Reporterre où Jean-Luc déclare : « Je souhaite être remplacé ». Car voici ce qu’il dit juste avant, en réponse à la question « Comment est-ce qu’on laisse la place aux autres ? » : « Je vais vous le dire, parce que j’ai la réponse, que j’ai dite à mes jeunes camarades : le premier qui déclenche une guerre civile [au sein du mouvement], il aura affaire à moi. Il y a toujours des bonnes raisons pour déclencher des guerres… Mais voilà ma consigne : faites-vous aimer. Celui ou celle qui sera le plus aimé du grand nombre, vous verrez que cela vous paraîtra naturel de dire : “allez, vas-y !”. Alors, pour ce qui concerne la suite des candidatures à l’élection présidentielle, craignez plutôt le trop plein que le trop vide ». Je crois que c’est vraiment le meilleur conseil de Jean-Luc Mélenchon a mes camarades qui aspirent à être candidats et c’est même d’ailleurs son seul conseil : « pas de guerre civile dans le mouvement », « faites-vous aimer ». Et cela signifie d’être en mesure de rassembler toutes les sensibilités militantes de notre mouvement et d’y veiller toujours dans son expression publique. Pour le dire autrement : essayer de descendre en flèche Jean-Luc ou le mouvement LFI est un mauvais point de départ si on se fixe cet objectif. 

Ainsi, quand Clémentine Autain dit sur France Info le 2 février 2024 : « Le profil de LFI depuis un an n’a pas permis d’engranger des forces et nous a coûté (…). C’est un enjeu de profil, de certains positionnements, de clash, de manque parfois à mon sens de solennité », je pense non seulement que ça nous dessert comme mouvement et que cela la dessert comme candidate à la candidature… Et ce qui est ennuyeux, c’est que j’ai du mal à savoir sur quoi cela s’appuie, si ce n’est sur un discours médiatique ambiant qui disait déjà la même chose à l’élection présidentielle sur la base de sondages qui se sont complètement plantés. Ce que je constate, pour ma part, dans ma circonscription et dans mes déplacements en France pour la campagne d’achat des locaux insoumis, c’est que les groupes d’actions gagnent des militants, souvent jeunes, souvent très tournés vers l’action. Par ailleurs, les retours que nous avons en porte-à-porte dans ma circonscription sont très encourageants, du genre : « tenez bon », « ne lâchez rien », « on est avec vous », etc. On me dira que c’est dans ma circonscription, mais j’ai posé aussi la question mercredi dernier à nos camarades insoumis du Maine-et-Loire, département avec une forte dimension rurale, et les retours sont les mêmes. Je trouve ça encourageant ! Cela montre à mes yeux que bien des gens perçoivent la violence de l’attaque portée contre nous par le système politico-médiatique et nous encouragent à ne pas « changer de profil » mais à « tenir bon ». Nous sommes vus par des millions de gens comme la France qui tient bon, qui ne baisse pas les yeux, qui ne cède pas – et sous-entendu : « contrairement à d’autres ». Alors, oui, nos adversaires politiques et les médias nous agressent avec une violence sans précédent. Mais à part l’intensité de la charge, quelle différence avec ce qui s’est passé avant ? En 13 ans de vie militante, j’ai été repeint successivement en ennemi de la liberté de la presse, en ami des dictateurs, en antisémite, en islamogauchiste, en ami des terroristes, en brutal, en violent, en danger pour la démocratie, etc. Est-ce que les gens qui disent ça sur les plateaux le croient ? Non. Est-ce que les gens qui les écoutent les croient ? Certains peut-être, mais la plupart, non. D’ailleurs, ils détestent les gens qui nous agressent sur les plateaux. Mais surtout : est-ce que changer quoi que ce soit à ce que nous faisons changera quelque chose à la violence des attaques que nous subissons dans la sphère médiatique et politique ? Non. L’objectif tout entier de cette sphère est justement de nous faire changer de discours, pas de nous aider à bloquer Le Pen et Macron qui sont les deux faces d’une même pièce destinée à protéger un système capitaliste entré en crise profonde. Céder à la tentation de « faire moins » plutôt que de « faire mieux », c’est un début de capitulation face à la violence d’attaques qui nous feraient reculer sur la forme avant de le faire sur le fond. Et pour moi il ne peut en être question. Pour le dire comme l’a déjà dit Jean-Luc : « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface ». Je partage…

Élection européenne : que faire ?

Alors que faire dans cette élection européenne ? Nos « partenaires » nous ayant mis devant le fait accompli de la division et refusant encore à cette heure de revenir sur ce choix funeste, nous n’avons d’autre choix que de relever le défi. Une fois encore, comme à l’élection présidentielle, nous devons montrer que la gauche de rupture avec l’ordre établi politique et économique est la meilleure voie pour fédérer le peuple. Notre stratégie ne change pas : c’est celle de l’union populaire. Nous voulons tout faire pour rassembler sur des bases programmatiques claires et lisibles pour nos concitoyens. Disons-le sans détour : il faut que La France insoumise et ses partenaires directs dans cette élection soient les plus haut possible dans cette élection. Et rien n’est hors de portée ! Nous avons rassemblé 8 millions de voix à l’élection présidentielle, . En 2019, Bardella était arrivé en tête avec 23% et 5 millions de voix. Le seul frein à un score qui fasse de LFI la surprise de cette élection, c’est la démotivation militante et la démobilisation électorale que certains peuvent malheureusement encourager par leurs propos. 

Dès lors, comment faire un bon score dans cette élection européenne ? En remobilisant notre électorat de la présidentielle et en convainquant des abstentionnistes de se déplacer vers les urnes. Plusieurs choses peuvent être faites : d’abord, soutenir à fond la campagne d’inscription sur les listes électorales que nous avons lancée, car ceux qui s’abstiennent le plus sont aussi ceux qui votent le plus pour nous et sont souvent des « mal-inscrits ». Et ensuite, il faut faire campagne et être honnête avec les gens. Il faut dire : « Si vous n’allez pas voter pour La France insoumise et ses partenaires le 9 juin, les médias diront que c’est une victoire du RN et de Macron. Vous voulez vraiment entendre ça à la télé pendant des semaines alors qu’on peut les battre ? ». Il faut dire : « Si vous n’allez pas voter pour la France insoumise et ses partenaires le 9 juin, les partis de la gauche traditionnelle qui ont empêché Jean-Luc Mélenchon d’être au second tour en 2022 essaieront de se débarrasser de lui et de LFI dès le 10 juin ». Bref, il faut avoir l’honnêteté de dire aux électeurs ce qui pourrait se passer en cas de mauvais score de LFI plutôt que de laisser Libération le raconter au petit nombre des personnes qui lisent encore ce journal. Je suis assez convaincu du fait que si une dynamique se dégage pour La France insoumise, elle pourrait avoir un effet d’entraînement assez fort pour notre camp tout entier, particulièrement si cette dynamique prend une forme sondagière et que la sphère politico-médiatique elle-même est contrainte de la reconnaître. Les gens de gauche en ont marre de perdre. Ils ont pris goût à la victoire en 2022 quand la NUPES est arrivée en tête au premier tour de l’élection législative. Je pense qu’ils ne veulent pas avoir l’impression de perdre en 2024 alors que nous avons toutes les cartes en main pour gagner. En tout cas, pour ce qui me concerne, je suis dans cet état d’esprit : lutter pour la victoire, non pas « sur la gauche », mais à l’élection elle-même. Oui, c’est dur. Oui, l’élection européenne est plus structurellement défavorable pour la gauche de rupture. Oui, la vieille gauche nous a tiré une balle dans le pied en revenant à ses vieilles tambouilles et à ses réflexes de division. Mais tout est enjeu de mobilisation populaire, et nous avons su le faire en 2022. Pourquoi serions-nous incapables de recommencer en 2024 ? Ceux qui s’avouent vaincus avant d’avoir commencé la bataille sont des pessimistes qui n’aident pas à obtenir la victoire. Ceux qui parient sur une défaite pour mieux donner des leçons d’inspecteurs des travaux terminés sont des irresponsables politiques. 

Je ne peux conclure sans redire une dernière fois à ceux qui me liraient ici, citoyens, militants politiques ou journalistes, que cette note de blog n’est pas une attaque contre mes camarades. Bien au contraire. Elle est bienveillante et vise simplement à apporter une pierre supplémentaire dans le débat que certains ont décidé de poser sur la scène publique plutôt que dans les cadres prévus par notre mouvement. Je ne veux pas qu’elle soit utilisée pour dire du mal des uns ou des autres, ce n’est pas mon but. Je l’ai dit : je vois d’un bon œil que nombreux soient mes camarades qui se préparent pour 2027. Je viens d’un temps où mon candidat à l’élection présidentielle – Mélenchon – était donné à 3% dans les sondages. Aujourd’hui, nous sommes à 22% et nous sommes capables d’aligner une dizaine de candidats potentiels… dont celui qui a fait 22% la dernière fois ! Mais je me souviens encore de 2011 où certains disaient déjà à Jean-Luc qu’il lui fallait « adoucir son image » pour « faire mieux ». Il n’a fort heureusement jamais écouté ces conseils et il a pourtant su rassembler toujours plus largement sans rien céder ni du fond ni de la forme. C’est sa radicalité et sa cohérence qui m’ont convaincu de le rejoindre, pas une image adoucie. Je crois que les temps troubles et dangereux que nous affrontons aujourd’hui demandent, justement, clarté et cohérence, sur la forme comme sur le fond. Et je pense que c’est aussi la bonne solution pour la campagne présidentielle à venir. Je ne parle pas d’individu : je parle de méthode d’action. Sur ce sujet aussi, j’aurais beaucoup à dire mais je ne veux pas encore rallonger cette note de blog. Je résume simplement l’axe autour duquel il me semble falloir articuler les choses : assumer la dimension révolutionnaire de la République.  Ceux qui suivent mon travail à l’Assemblée et au-dehors comprennent, je crois, ce que j’entends par là. C’est à mes yeux la voie la plus stable et sûre de ne rien céder sur le fond tout en se donnant la possibilité de rassembler toujours plus largement. Mais je m’arrête ici pour l’instant. Rendez-vous dans une prochaine note de blog pour ceux que ce type de réflexions intéresse et qui m’ont fait l’amitié de me lire jusqu’ici !

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