Ce mercredi 24 avril 2019, Yannick Jadot a officiellement déposé la liste qu’il dirigera aux élections européennes. Dans une vidéo diffusée sur Twitter, il explique que cette liste ne comporte : « que des écologistes convaincus, que des régionalistes convaincus qui veulent révolutionner l’Europe pour sauver le climat ».
L’«Europe des régions» contre la France républicaine ?
Des « régionalistes » ? Le terme peut surprendre mais il est clairement assumé par la direction du mouvement. En mars 2019, alors que venait d’être conclu l’accord entre EELV et les régionalistes, le secrétaire national du mouvement, David Cormand, affirmait souhaiter : « une Europe des régions, par opposition à l’Europe du repli sur soi des États-nations d’inspiration jacobine, qui tournent le dos aux réalités et à la souveraineté des territoires ».
Dernière nouvelle ! Voici que « les États-nations d’inspiration jacobine » provoqueraient le « repli sur soi » et « tourneraient le dos (…) à la souveraineté des territoires ». Voilà bien des contresens historiques ! Car si c’est ici clairement la France qui est visée par le secrétaire d’EELV, « l’inspiration jacobine » qu’il vilipende a pourtant défendue des valeurs d’ouverture et de souveraineté locale.
Le jacobinisme est l’inverse de ce qu’en dit EELV
Les « États-nations d’inspiration jacobine », ce serait le « repli sur soi » ? Comment expliquer, dès lors, que la Constitution de la Ière République, dite « Constitution jacobine » proclame dans sa Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen que « Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi » ? Comment expliquer aussi qu’elle précise que « Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année – Y vit de son travail – Ou acquiert une propriété – Ou épouse une Française – Ou adopte un enfant – Ou nourrit un vieillard ; – Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l’humanité – Est admis à l’exercice des Droits de citoyen français. » ? Voilà l’exact inverse de ce qu’affirme EELV : loin du « repli sur soi », le jacobinisme défend clairement l’idée que c’est en s’occupant des autres que l’on mérite le plus d’accéder à la citoyenneté.
Mais l’idée que le jacobinisme ne respecterait pas « la souveraineté des territoires » (terme qui ne veut d’ailleurs rien dire tant qu’on ne définit pas ce que recouvre l’appellation « territoires ») est également fausse. Ainsi, la Constitution jacobine crée un droit de regard des assemblées départementales sur les textes législatifs nationaux. L’article 59 précise ainsi que : « Quarante jours après l’envoi de la loi proposée, si, dans la moitié des départements, plus un, le dixième des Assemblées primaires de chacun d’eux, régulièrement formées, n’a pas réclamé, le projet est accepté et devient loi ». Dans le cas contraire, l’article 60 précise la marche à suivre : « S’il y a réclamation, le Corps législatif convoque les Assemblées primaires ». Ces assemblées sont définies à l’article 2 : « Le peuple français est distribué, pour l’exercice de sa souveraineté, en Assemblées primaires de canton ». Autrement dit, en cas de blocage par les départements, la décision revient aux assemblées du peuple constituées au niveau des cantons. De là à dire que le jacobinisme, c’est le respect de la souveraineté du peuple (ou « des territoires », si l’on veut dire n’importe quoi), il n’y a qu’un pas (franchissez-le sans peine, c’est exactement ça) !
Convergences entre EELV et Macron (et Merkel)
Au fond, après la volonté d’inscrire l’écologie dans « l’économie de marché » comme l’a fait Yannick Jadot en février dernier, après le départ de plusieurs membres d’EELV pour rejoindre En Marche (de Rugy, Canfin, Durand…), les attaques contre la république « une et indivisible » sont un autre point de convergence entre EELV et Macron. En effet, le président, comme David Cormand, goûte peu à l’organisation républicaine française « d’inspiration jacobine ». Ainsi, il a inclus dans sa révision constitutionnelle, un « pacte girondin » qui tend à remettre en cause le caractère unitaire de la République.
Par ailleurs, la dernière réalisation concrète du projet « d’Europe des régions » revendiqué par David Cormand est l’élaboration de nouvelles règles en matière de coopération pour les régions frontalières de la France et de l’Allemagne dans le cadre du traité d’Aix-la-Chapelle… signé par Emmanuel Macron et Angela Merkel le 22 janvier dernier. Celui-ci prévoit, pour ces régions, la possibilité de « dérogations » aux lois nationales pour unifier les normes par-delà la frontière notamment dans « les domaines économique, social, environnemental, sanitaire, énergétique et des transports ».
Construire l’Europe en défaisant la France ?
Sur son blog, Jean-Luc Mélenchon, défenseur assumé des principes d’unité et d’invisibilité de la République hérités de la Révolution, avait dénoncé à propos de ce traité « la fin du principe d’égalité devant la loi pour les départements frontaliers avec l’Allemagne ». Sur ce sujet, comme sur d’autres, l’opposition la plus claire à la vision du monde macroniste vient clairement du côté des insoumis et non de celui des amis de Cormand et Jadot. Plus le temps avance, plus EELV paraît en être dans une convergence de vues totale avec Macron et Merkel. Au point de faire partie de ceux qui veulent « faire l’Europe en défaisant la France », selon le mot de Jean-Luc Mélenchon ? Difficile à dire. Mais quand on en est, comme EELV, à pointer du doigt les « États-nations d’inspiration jacobine » pour leur préférer l’« Europe des régions », on s’en approche à grand pas !
Bref, pour ceux qui ne veulent pas que l’Europe se construise ainsi, pour ceux qui ont encore en travers de la gorge le « non » bafoué de 2005, pour ceux qui font primer au-dessus de tout la souveraineté du peuple qui s’exprime en France dans le cadre de l’État-nation (même pour les élections européennes !), le choix le 26 mai est tout tracé : il faudra glisser dans l’urne le bulletin de la liste France insoumise portée par Manon Aubry !
[divider]
Cet article vous a intéressé ? Abonnez-vous à la Newsletter en cliquant ici.