Les salariés ne font pas grève pour le plaisir. Quand ils font grève, ils perdent de l’argent. C’est la même chose pour les profs. Ils voient leur salaire amputé d’un trentième (1/30) de leur traitement brut par journée de grève. Qu’est-ce qui a donc pu pousser les enseignants du collège Pablo Neruda de Pierrefitte en Seine-Saint-Denis (93) à se mettre en grève dès le 8 janvier, jour de la rentrée scolaire ? Est-ce qu’ils se battent pour une augmentation de salaire ? Une meilleure retraite ? Même pas. Ces profs se mobilisent tout simplement pour que soit nommé dans leur établissement un troisième conseiller principal d’éducation.
Les conseillers principaux d’éducation (CPE) travaillent avec les profs pour assurer le suivi des élèves et notamment des élèves qui ont des difficultés scolaires ou de comportement. Ils organisent les différentes médiations utiles pour dépasser les conflits du quotidien et sont une oreille attentive aux besoins exprimés par les élèves. Autant dire qu’ils ont un véritable rôle de pompier au sein des collèges. Ils éteignent, avec les assistant·es d’éducation, les incendies à peine déclenchés, évitant ainsi que tout leur établissement s’embrase.
Le collège Pablo Neruda compte seulement deux CPE pour environ 700 élèves. En pratique, chacun de ces deux CPE doit assurer le suivi de 350 élèves. Il doit tous les écouter, les rassurer, lutter contre leurs absences, leurs retards, trouver des solutions à leurs problèmes, organiser le lien avec les familles, les partenaires extérieurs comme des associations municipales, recadrer leurs éventuelles entorses au règlement intérieur… Autant dire que c’est mission impossible dans un contexte difficile où les élèves ont des situations de vie précaires. Beaucoup d’entre eux sont demandeurs d’un lien resserré avec leur CPE et, malheureusement, les CPE ne peuvent pas être partout en même temps. Alors, forcément, ils ne peuvent pas gérer toute la petite violence du quotidien et, parfois, ça dérape… et même méchamment. Une des deux CPE du collège Pablo Neruda s’est fait giflée par une élève fin décembre. Pour les profs de l’établissement, c’était la grosse goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Depuis la rentrée, ils étaient confrontés à une multiplication des incidents de violence : insultes, harcèlements, racket, échanges de coups.
Pourtant, cela fait maintenant longtemps que ces profs ont tiré la sonnette d’alarme et qu’ils demandent la nomination d’un troisième CPE. Mais comme la politique aujourd’hui dans le service public, c’est de toujours plus se serrer la ceinture, leur hiérarchie (c’est à dire le rectorat) leur a pour l’instant opposé une fin de non-recevoir. En réalité, quand il s’agit de dégager des sous pour alléger les impôts des ultra-riches, les pouvoirs publics trouvent toujours des solutions, mais quand il est question d’aider concrètement les gamins des quartiers populaires, il n’y a jamais d’argent !
Avant que les profs se mettent en grève, fin décembre, les parents d’élève du collège Pablo Neruda ont bloqué trois jours l’établissement de leurs enfants. Eux aussi, ils en ont marre.
En réalité, on en a tous marre. Ce matin, nous relayions la mésaventure d’un handicapé moteur qui a dû passer la nuit dehors parce que le service public abîmé n’a pas pu assurer sa mission et le prendre en charge. Quelle sera la suite ? À quel point encore va-t-on devoir subir cette politique de casse de nos écoles, de nos hôpitaux, ou de nos pompiers ?
C’est le moment de se serrer les coudes. C’est uniquement quand le peuple est uni que les politicien·ne·s déconnecté·es au pouvoir sont contraint·es de nous écouter.
Vous pouvez soutenir si vous le souhaitez et le pouvez le combat des profs et des familles du collège Pablo Neruda en alimentant leur caisse de grève en ligne. Mettez 2 euros, 5 euros, 10 euros… Chaque don est utile.