Après les bidouilles de BFMTV sur l’affichage des proportions d’un sondage réalisé par l’institut Elabe, Le Figaro a-t-il trafiqué un sondage en ligne sur son site ?
Commençons d’abord par dire que les sondages en ligne ne valent rien d’un point de vue scientifique. Déjà parce qu’ils sont peu fiables d’un point de vue technique (on peut souvent voter plusieurs fois en bidouillant un peu), ensuite parce qu’ils ne représentent pas l’opinion de la population mais juste de ceux qui passent sur une page. Et cela n’a rien de neutre puisque, souvent, ces sondages portent sur des questions politiques et sont donc partagés par des militants politiques qui influent donc sur le résultat. J’en sais quelque chose : j’en avais fait un absurde une fois pour me moquer de cette pratique et demander aux gens s’ils préféraient l’oeuf ou Macron. Résultat : 97% de gens préféraient l’oeuf.
Mais en plus d’être tout sauf sérieux et fiables, ces sondages peuvent être truqués par ceux qui les mettent en ligne. Et si l’on en croit plusieurs captures d’écran réalisées par des internautes, ce pourrait bien être ce qu’a fait Le Figaro sur un sondage en ligne dont la question n’était pas du tout orientée (tousse) : « Jean-Luc Mélenchon reste-t-il, selon vous, le premier opposant à Emmanuel Macron ? ».
Problème de maths
Et malgré cette question orientée, le sondage affichait selon une première capture d’écran, réalisée à 7059 votants, 88% de « oui » et 12% de « non ». Puis selon une seconde capture d’écran, réalisée à 8302 votants, 73% de « oui » et 27% de « non ». Outre que la position du « oui » et du « non » a été inversée sur l’affichage du sondage sans que rien ne soit dit sur une potentielle mise à jour de l’article, toujours affichée à 20h08 (voir les photos ci-dessous), il y a clairement un problème de proportions.
En effet, en admettant que la première capture d’écran soit juste, s’il y a 88% de « oui » et 12% de « non » sur 7059 votants, c’est qu’il y a 6212 « oui » et 847 « non ». En admettant (ce qui est très improbable) que les 1243 votants supplémentaires de la deuxième capture (8302-7059=1243) aient tous voté « non », on obtient toujours 6212 « oui » et 2090 « non », soit 75% de « oui » et 25% de « non » et non pas 73% de « oui » et 27% de « non » comme affiché sur le sondage.
Vous n’avez pas décroché ? Tant mieux parce que ce n’est pas fini. Une troisième capture d’écran réalisée par une autre personne montre le résultat du sondage à 12598 votants. C’est 5539 votants de plus que la première capture d’écran (12598-7059=5539) et 4296 de plus que la seconde (12598-8302=4296). Là encore, en admettant que tous les votants supplémentaires aient répondu « non », on trouve au final toujours 6212 « oui » et respectivement 6386 et 6538 « non », soit respectivement 51% et 52% de « non ». Et le sondage affiché sur la capture d’écran affiche quant à lui… 73% de « non » !
Bref, les chiffres ne collent pas. Et de deux choses l’une : soit ce sont les captures d’écran réalisées qui sont truquées (c’est tout à fait possible), soit c’est le sondage qui est truqué. Et quoi qu’il ne vaille rien d’un point de vue scientifique, on peut raisonnablement considérer que ce serait alors problématique d’un point de vue moral pour un grand journal français comme Le Figaro…