melenchon quotidien montage

Les montages malhonnêtes de «Quotidien» pour diaboliser Mélenchon

Dans son édition du 30 mai 2017, « Quotidien », l’émission de Yann Barthès, présente les extraits d’une conférence de presse de Jean-Luc Mélenchon. Avec à l’évidence un objectif : continuer dans la diabolisation de ce dernier entamée quinze jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, et qui n’a pas cessé depuis. « Quotidien » a donc pensé qu’en arrangeant ensemble des extraits, il pourrait raconter l’histoire voulue. Sauf que voilà : la conférence de presse toute entière a été filmée et mise en ligne sur la chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon. Nous pouvons donc comparer les images diffusées par « Quotidien » avec ce qui s’est réellement produit.

Regardons dans le détail comment « Quotidien » s’y prend pour faire dire à des images autre chose que ce qui s’est réellement passé. Il y a d’abord l’introduction du sujet avec des extraits de l’arrivée d’Alexis Corbière, essoufflé après avoir monté à pied six étages (passionnant, non ?). Puis, voici comment le chroniqueur introduit son sujet : « Ça c’était l’apéro en termes de polémique car ça va vite se gâter. Jean-Luc Mélenchon est de très mauvaise humeur ». S’ensuivent des extraits de l’arrivée de Jean-Luc Mélenchon. Il dit qu’il fait chaud et ajoute « me voilà debout en plus » (c’est passionnant décidément !). Puis il appelle Alexis Corbière à se rapprocher de lui. Le chroniqueur de « Quotidien » reprend la parole pour ajouter « Allez, ici le porte-parole » et enchaîne : « Après 22 minutes de discours, on a voulu revenir sur la polémique sur clash avec Bernard Cazeneuve et ça s’est plutôt mal passé ».

On voir bien ici que, dès l’introduction, les mots (je les ai mis en gras) utilisés par le chroniqueur de « Quotidien » visent à mettre en place un climat de tension qui n’existe pas. Vient alors un premier extrait de la conférence de presse à proprement parler. Le chroniqueur se tient debout. Jean-Luc Mélenchon lui demande de s’asseoir (pour être logé à la même enseigne que les autres, qui étaient tous assis). S’ensuit un petit échange qui est diffusé par Quotidien.

  • Monsieur, si vous voulez bien vous asseoir comme tout le monde, ça me ferait très plaisir. Sinon je ne vous répondrai pas.
  • (Le chroniqueur fait mine de s’asseoir par terre) Bon… par terre…
  • Non, c’est là la chaise.
  • (Il s’assoit sur la chaise.) Vous voyez, on obéit !
  • Oh, on n’en demande pas tant ! Je ne vous demande pas « d’obéir ». Restez debout, monsieur, si ça vous fait plaisir.
  • Non parce que vous ne vouliez pas me répondre.
  • Non non mettez-vous debout, ça a l’air de vous faire plaisir. Mettez-vous debout.
  • Pas de souci, monsieur Mélenchon.
  • Je vous ai invité. Je ne vous ai pas demandé de m’obéir.
  • Bah vous m’avez dit que sinon vous ne me répondriez pas. Vous avez dit… c’est pas grave.
  • Bon, c’est bon, allez, au suivant.

Ici, l’extrait est mis sur pause. Jusqu’à présent, on le voit, alors que Jean-Luc Mélenchon émet une demande simple (que le seul journaliste qui est debout s’asseye « comme tout le monde » pour ne pas avoir un traitement différent des autres), le chroniqueur de « Quotidien » en rajoute, en faisant mine de s’asseoir par-terre alors qu’il a une chaise et en déclarant « on obéit » (gros clin d’oeil, Mélenchon est autoritaire, n’est-ce pas?). Bref, une demande simple se transforme en incident délibérément provoqué par le chroniqueur. Pourtant, ce n’est pas la manière dont les faits sont présentés par « Quotidien ».

Pendant que l’extrait est sur pause, pour en rajouter une couche, le chroniqueur ajoute : « J’ai failli ne pas pouvoir poser ma question, alors il a fallu le brosser dans le sens du poil pour avoir le privilège de faire mon métier ». Cas classique où l’affreux Mélenchon est présenté comme un horrible dictateur qui empêche un « journaliste » de « faire son travail », menaçant la liberté de la presse et, par extension, la démocratie. Que Jean-Luc Mélenchon soit le seul à dénoncer le problème que constitue, pour la liberté de la presse, le fait que 90% de la presse soit détenue par 9 milliardaires n’entre pas en ligne de compte. Surtout pas sur une chaîne du groupe Bouygues, n’est-ce pas ? Passons. L’extrait reprend ensuite :

  • Non mais je posais la question
  • Non non. Mais si c’est pour créer un incident… tout ça… c’est bon.
  • Pardon. Pardon.
  • D’accord.
  • Si je vous entends bien, vous voulez remettre le fond au cœur de cette campagne.
  • Si c’est possible.
  • Mais c’est vous qui avez lancé cette polémique.
  • Je n’ai pas provoqué cette polémique, je n’ai pas voulu de cette polémique. Ce n’est pas mon sujet. C’est monsieur Cazeneuve qui l’a lancée en se saisissant d’une phrase dont il estimait qu’elle était de nature à provoquer un intérêt pour lui. Voilà. C’est tout. Mais je n’ai pas déclenché cette polémique. Je ne l’ai pas souhaitée et je ne la souhaite pas.

La dernière réponse de Jean-Luc Mélenchon est faite sur un ton ferme. On a l’impression, en regardant l’extrait de « Quotidien », qu’il s’est agacé de la question. Mais la réalité est que « Quotidien » n’est pas honnête dans son montage. Car entre le « Mais c’est vous qui avez lancé cette polémique » du chroniqueur et le « Je n’ai pas lancé cette polémique », il y a une réponse très détaillée de Jean-Luc Mélenchon. Voici l’échange qui a réellement eu lieu et que l’on peut retrouver à partir de 23:31 dans la conférence de presse (j’indique en gras les passages délibérément non diffusés par « Quotidien ») :

  • Mais c’est vous qui avez lancé cette polémique.
  • Sur quoi ?
  • Sur monsieur Cazeneuve. Est-ce qu’aujourd’hui vous la regrettez, tout simplement ?
  • Ah, d’accord, c’était ça. Bon alors. Non, monsieur, je n’ai pas lancé cette polémique.
  • Mais…
  • Non non non non, non non non non non. J’ai fais 11 fois un discours sur le code du travail et les conditions de la rentrée scolaire et de l’éducation nationale. Et, à l’occasion d’un de ces discours, pendant une seconde et quart, j’ai répondu à quelqu’un que j’ai pris comme figure emblématique de l’accusation inepte d’après laquelle nous n’aurions pas donné de consigne de vote entre les deux tours de l’élection présidentielle. Et je voulais rappeler, pour les gens qui étaient là, que c’était absolument injuste puisque nous avions appelé à ce qu’il n’y ait « pas une seule voix pour madame Le Pen ». Donc je ne faisais que rectifier. Et je trouvais insupportable de me faire donner des leçons de république par quelqu’un qui ne s’est pas lui-même astreint à la règle minimale d’un ministre de la République qui est d’assumer les actes de l’administration, surtout quand ceux-ci ont débouché sur un homicide. Voilà, c’est tout. Je n’ai pas provoqué cette polémique, je n’ai pas voulu de cette polémique. Ce n’est pas mon sujet. C’est monsieur Cazeneuve qui l’a lancée en se saisissant d’une phrase dont il estimait qu’elle était de nature à provoquer un intérêt pour lui, et qui, maintenant, est en train de découvrir que remettre sur la scène cette histoire de Rémi Fraisse n’était pas spécialement une recommandation pour le parti socialiste. Voilà. C’est tout. Mais je n’ai pas déclenché cette polémique. Je ne l’ai pas souhaitée et je ne la souhaite pas.

On voit qu’ont été coupés tous les extraits qui pouvaient être de nature à expliquer la responsabilité de Bernard Cazeneuve dans le lancement de « la polémique » dont le chroniqueur nous rebat les oreilles. L’ancien ministre de François Hollande est ainsi dédouané de son attaque initiale contre Jean-Luc Mélenchon concernant le vote Front national au second tour. On constate aussi que le leader de la France insoumise a précisé les conditions matérielles du discours qu’il avait prononcé. On remarque enfin que toute référence au fond de l’affaire (c’est à dire la mort de Rémi Fraisse alors que monsieur Cazeneuve était ministre) est entièrement gommée de l’extrait diffusé par « Quotidien ». Ne reste que « la polémique » évidemment lancée par le méchant Mélenchon.

Après cette séquence, dans la « vraie vie », d’autres journalistes posent des questions sur le même thème. Jean-Luc Mélenchon répond, précise, détaille le choix de ses mots. La séquence dure de 24:55 à 30:49 sur la vidéo intégrale de la conférence de presse qui peut, je l’ai dit, être consultée en ligne. Jean-Luc Mélenchon indique son souhait de pouvoir parler d’un autre sujet : l’augmentation de la CSG prévue par monsieur Macron. Pourtant, rien de tout cela n’est diffusé sur « Quotidien ». Bien au contraire, on revient au plateau immédiatement après l’extrait précédent. Et c’est reparti pour un tour.

Le chroniqueur conclue la première séquence : « Mouais, enfin il faut quand même le dire hein, c’est bien lui qui a attaqué Bernard Cazeneuve sur l’affaire Rémi Fraisse. Mais on sent qu’il regrette déjà sa sortie et surtout un terme qu’il a utilisé ». Les mots utilisés sous-entendent donc que Mélenchon, en plus d’être un affreux dictateur, est aussi un menteur. Plus c’est gros, plus ça passe. Puis s’ensuit une « explication », code pénal à l’appui, sur la différence entre le terme « assassinat » et « homicide » d’un point de vue juridique. Est diffusé ensuite un nouvel extrait. Rien n’est dit sur la séquence que j’ai évoquée dans le paragraphe précédent. Nul ne peut savoir qu’entre l’extrait qui vient d’être diffusé et celui qui va suivre, près de 6 minutes se sont écoulées, essentiellement sur le même thème. Le seul moyen pour le spectateur de s’apercevoir qu’on a sauté une séquence est d’être assez attentif pour remarquer que Jean-Luc Mélenchon a maintenant un verre qu’il n’avait pas auparavant.

melenchon quotidien montage

Le chroniqueur lance la nouvelle séquence. Voici ce qui est diffusé :

  • Je prie qu’on comprenne que, dans un meeting de trois quarts d’heure, il peut arriver qu’un mot ne soit pas calibré exactement comme la presse, elle, nous habitue à calibrer les mots très exactement, avec précision et soin…
  • Parce que là c’est important, monsieur Mélenchon.
  • Quoi, monsieur ?
  • « Assassinat », c’est important.
  • Oui, bon, d’accord, on a compris. À vous, madame.
  • C’est pas un détail, pardon hein…
  • Mais monsieur, écoutez. Vous devez comprendre que les mots sont importants en effet. Quand quelqu’un meurt et qu’un dispositif a été mis en place, on peut penser qu’il s’agit d’un homicide et pas d’un accident de la route. D’ailleurs, les accidents de la route sont considérés comme des homicides. Je ne vois pas en quoi vous voulez arriver.
  • « Assassinat », il y a préméditation.
  • À quoi vous voulez arriver, monsieur ?
  • C’est vos propos, je veux savoir…
  • Non et bien alors taisez-vous, c’est aussi bien. (là la chaîne écrit à l’écran « taisez-vous, c’est aussi bien ! », au cas où on n’aurait pas compris)
  • … si vous les regrettez.
  • Voilà, c’est ça. Et vous… écoutez, je vous ai déjà répondu. J’ai raconté dans quelles conditions avait lieu mon discours. J’ai dit comment j’avais utilisé mes mots. J’ai dit ce que je viens de dire. Il me semble que c’est assez. Maintenant, peut-être que vous aspireriez à ce que je me mette un sac de cendres sur la tête, que je me flagelle. Parce que vous vous prenez pour des juges. Vous êtes juste un journaliste, monsieur. Rappelez-vous-le. D’accord ? Donc vous devriez vous poser la question de savoir comment Rémi Fraisse est mort plutôt que de venir me demander des comptes à moi.

On voit que Jean-Luc Mélenchon a clairement envie de changer de sujet. Mais vous savez quoi ? Ce n’est pas le seul dans la salle ! De nombreux journalistes présents ont envie de passer à autre chose et d’enchaîner. D’ailleurs, « Quotidien » a été assez maladroit pour en laisser une trace dans les extraits choisis. En effet, on voit nettement que, quand le chroniqueur revient pour la énième fois sur le même sujet, l’une de ses consoeurs lui fait demande d’arrêter.

quotidien consoeur

La réalité est donc bien différente de ce qu’a présenté « Quotidien » dans ses extraits choisis. Quiconque regarde la conférence de presse en entier pourra s’en rendre compte. Le chroniqueur de l’émission agit clairement comme un perturbateur cherchant à provoquer délibérément un incident en ne faisant pas comme ses collègues, puis en posant plusieurs fois la même question, puis en insistant sur un terme sur lequel Jean-Luc Mélenchon est déjà revenu plusieurs fois. Mais de tout cela il ne reste rien, évidemment, dans les extraits diffusés par « Quotidien ».

Finalement, « Quotidien » n’a pas dû écouter la demande formulée par Jean-Luc Mélenchon au milieu de sa conférence de presse. Voici ce qu’il disait (de 21:26 à 22:11) :

« Je vous demande [aux journalistes] : lâchez-nous. Arrêtez de nous agresser sur nos personnes. Intéressez-vous à ce que nous disons, à ce que nous proposons, à notre programme, à notre campagne. Mais laissez nos personnes, nos morts et nos familles en dehors des vindictes que vous portez contre nous. Vraiment, je ne sais comment exprimer mon indignation : si je le fais trop, je suis accusé d’être trop violent ; si je ne le fais pas, c’est la porte ouverte à tous les abus pour qu’ils continuent. Je demande une trêve. Une trêve médiatique dans l’injure contre moi, contre les miens. Je demande qu’on puisse parler de ce qui nous oppose réellement : je ne suis pas séparé de monsieur Macron par des problèmes de personnes ; je le suis par des problèmes de programme, de fond. »

Il est regrettable que « Quotidien » ait fait exactement l’inverse et ait choisi, une nouvelle fois, de tout concentrer sur les personnes plutôt que sur le fond. Pas un mot sur la CSG. Pas un mot sur la fraude et l’évasion fiscales. Pas un mot sur la révocation des élus. Pas un mot sur le code du travail. Pas un mot sur l’école et l’éducation. Bref, rien de ce qui concerne les objectifs de monsieur Macron ni le programme de Jean-Luc Mélenchon. Les 11 et 18 juin, les citoyennes et les citoyens de notre pays doivent pourtant élire leurs députés, c’est à dire ceux qui gouverneront le pays pour les cinq prochaines années. Il serait bon qu’ils puissent le faire sur la base de programmes et que cessent donc les diversions destinées à protéger monsieur Macron en ne disant jamais rien des mesures antisociales, antiécologiques et antidémocratiques qu’il prévoit.


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