Le 14 avril 2016, le Parlement européen devait se prononcer sur la directive dite « Secret d’Affaires ». Présentée comme un texte qui devrait « protéger les PME », cette directive protège en réalité les grands groupes contre l’espionnage industriel… mais aussi et surtout contre les lanceurs d’alertes. Un comble alors que les « Panama papers » ont de nouveau montré combien le travail de ces derniers est d’utilité publique ! Un double-comble alors que deux jours plus tôt, le Parlement européen organisait un débat précisément autour des révélations des « Panama papers ».
De cette directive, on n’a pas entendu parler dans les médias donneurs de leçon sur « l’Europe-qui-nous-protège ». Seule Élise Lucet (décidément !) a essayé d’informer longtemps en amont avec une pétition contre cette directive. Mais il y a quelqu’un d’autre qui a réalisé un travail journalistique d’une grande qualité sans pourtant être journaliste. Il s’agit de l’humoriste Nicole Ferroni.
Sur Facebook, Nicole Ferroni a réalisé le matin du vote une vidéo dans laquelle elle interpelle l’eurodéputé française Constance Le Grip, rapporteure du texte « Secret d’Affaires ». L’humoriste dénonce le fait que cette directive ne va en rien protéger les PME et que ce qui les protégerait vraiment serait de mieux répartir l’impôt entre les grands groupes, qui en paient peu, et les PME, qui en paient beaucoup.
Mais Nicole Ferroni est allée plus loin puisqu’elle a vérifié le vote des eurodéputés Français sur le texte et a réalisé un tableau dans lequel elle pointe les absents, ceux qui ont voté pour, ceux qui se sont abstenus et ceux qui ont voté contre. Résultat consternant : FN, LR, UDI, Modem et PS font le choix des grands groupes contre les PME et contre les lanceurs d’alertes.
On peut donc remercier Nicole Ferroni d’avoir fait un travail d’information plus sérieux que les journalistes. Mais d’ailleurs, où étaient-ils les journalistes ? Car la semaine des députés européens était pour le moins chargée ! En plus de la directive « Secret d’Affaires », plusieurs éléments auraient mérité leur attention comme le débat sur la fraude et l’évasion fiscale, la prolongation de l’autorisation du glyphosate, substance cancérigène utilisée dans de nombreux pesticides ou encore le « Passenger Name Record » ou « PNR », dont la conséquence sera un fichage généralisé des passagers aériens.
Sur tous ces sujets, la presse donneuse de leçons était globalement absente et n’a pas fait le travail d’analyse de Nicole Ferroni. Plutôt que d’informer sur ces questions cruciales pour les citoyens, France 2 interrogeait les eurodéputés sur… les corrections de votes !
Et parmi les eurodéputés, qui a rendu des comptes ? Quelques uns seulement. Et, à ma connaissance, celui qui a fait le travail de compte rendu le plus complet est Jean-Luc Mélenchon. Il a en effet pris la parole pour dénoncer la fraude fiscale et protéger les lanceurs d’alertes, il a publié un texte appelant les eurodéputés à voter contre le prolongement de l’autorisation du glyphosate ainsi qu’un récapitulatif de ses contributions sur le sujet, il a remis en circulation sur les réseaux sociaux un texte qu’il avait écrit contre le PNR, il a publié avec son groupe un communiqué contre la directive secret d’affaires…
Autant dire que pour espérer comprendre quelque chose à l’Europe et à ses mauvais coups, ce n’est plus vers les journalistes qu’il faut se tourner. Mieux vaut leur préférer les rares députés européens qui expliquent ce qu’ils font, comme Jean-Luc Mélenchon, qui rend compte de tous ses votes sur un blog spécifiquement dédié à son travail au Parlement européen. Et avec Nicole Ferroni, on sait désormais qu’il vaut mieux aussi préférer les humoristes aux journalistes pour ce qui est du travail d’information citoyenne.