préférence nationale
Source : Olivier Ganan

La préférence nationale est une préférence patronale

Le 2 juin 2015 était évacué le camp de migrants de La Chapelle à Paris. Il était ensuite détruit au bulldozer. Cette évacuation et cette destruction brutales ne peuvent que choquer les humanistes dont je suis. Bien-sûr, il y a aussi là une part d’indignation « à bon compte » et tardive puisqu’il était plus choquant encore que des individus aient vécu jusque là dans ces conditions : dans des tentes serrées vivait parfois toute une famille, le tout sous une ligne de métro aérien passant une fois toutes les trois à quatre minutes.

 

Mais il y en a qui n’ont pas été choqués par cette évacuation et cette destruction, au contraire. Il y en a qui s’en réjouissaient. Qui trouvaient ça bien. Ce qui les choquait, eux, c’était que les migrants allaient être temporairement relogés. Ils disaient en substance : « qu’on s’occupe des SDF français avant de s’occuper des migrants ! ». Et l’espace d’un instant, je me suis senti désarmé : je me suis demandé ce que je pouvais bien répondre à ça parce que ça semblait « logique » que les pouvoirs publics français s’occupent d’abord des Français avant de s’occuper des « autres ».

Cette idée qui m’a désarmé un instant, c’est une idée du Front national. C’est la « préférence nationale ». Ou plutôt, comme l’appelle le FN édulcoré et gentil (nous dit-on) de Marine Le Pen, la « priorité nationale ». C’est l’idée qu’en France, il faut faire passer « les Français » avant tous « les autres ». Le Front national applique cette idée dans deux grandes dimensions : l’emploi et le logement social.

Le problème de cette idée de « préférence nationale » est qu’elle est désarmante. Elle est désarmante parce que quoi qu’en disent les gauchistes, l’idée de nation est encore puissante dans notre pays. Évidemment, derrière ce mot, « nation », tout le monde ne met pas la même chose ; mais l’immense majorité du peuple français met quelque chose. Et met quelque chose de positif. C’est pourquoi la « préférence nationale » est si désarmante : parce qu’elle semble d’emblée être du bon sens alors qu’elle n’en est rien. Bien au contraire.

Que répondre à la « préférence nationale » ? C’est simple : « pourquoi n’aider que le Français si on peut aider le Français et l’étranger ? ». Voilà la réponse à apporter. « Oui mais on n’a pas assez d’argent ! La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ! », répondra assurément votre interlocuteur, plein de bons sentiments. Mais en est-on sûrs, qu’il n’y a pas assez d’argent ? On le pense parce que Valls et Hollande, comme Fillon et Sarkozy avant eux, nous disent qu’il faut « faire des économies » qu’on a « vécu au-dessus de nos moyens », et autres salades (vous avez vécu au-dessus de vos moyens, vous ? pas moi !) destinées à nous faire cracher la thune chaque année.

Le problème est que ce qu’il est difficile de voir, tant les médias et les partis dominants UMP et PS ne nous en parlent jamais, c’est que le Français qui est pauvre et l’étranger qui est encore plus pauvre ont une solidarité de fait. Une solidarité de classe ou, pour faire plus simple : un niveau de vie différent mais qui, comparé à celui des plus riches, ne l’est pas tant que ça. Quelle différence y a-t-il entre gagner 1 139 euros par mois (le smic) et 0 ? Une différence énorme. Mais qu’est-ce que cette différence comparée à quelqu’un comme Liliane Bettencourt qui gagne 45 millions d’euros par mois ? Cette différence s’estompe et disparaît. Parce que le gouffre entre « 1 139 » et « 45 000 000 000 » est tellement énorme que la différence entre « 1 139 » et « 0 » devient soudainement dérisoire (enfin, pas pour celui qui est à 0, mais peut-être que celui qui est à 1 139 relativise).

Que voit le Français qui gagne 1 139 euros par mois quand il regarde le migrant dans sa tente ? Il voit quelqu’un de plus pauvre que lui. Il a peur de tomber à un niveau de vie moins élevé que celui qu’il a actuellement. Il a peur d’être « déclassé ». Alors quand il voit « l’autre » qui vit sous une tente, elle-même sous une ligne de métro, il ne veut pas devenir cette personne. Et comme on lui dit en boucle que cette personne est accueillie « avec l’argent de nos impôts » et « qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », il se dit que c’est plus simple d’envoyer le migrant ailleurs que sous son regard. Où ? Ça, ce n’est pas son problème : il n’avait qu’à pas migrer.

Que ne voit jamais aux informations le Français qui gagne 1 139 euros par mois ? Le train de vie des puissants. De ceux qui gagnent chaque mois ce que lui qui espère un jour gagner au loto. De ceux qui gagnent en 30 minutes ce qu’il gagne en un an et espère gagner un jour aux jeux à gratter.

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La « préférence nationale » s’appuie sur ça. Elle s’appuie sur ce que le Français voit (ou, plutôt, ce que le système lui fait voir) et ce qu’il ne voit pas (ou, plutôt, ce que le système ne lui fait pas voir). Martin Bouygues, le patron de TF1 qui nous fait voir « la misère du monde qu’on accueille chez nous », est la 24e fortune de France. Il a vu sa richesse passer de 1 647 millions d’euros en 2013 à 2 600 millions d’euros en 2014, soit une augmentation de près de 1 000 millions d’euros ou, si vous préférez, 1 milliards d’euros. Pour me rendre compte de ce que ça représentait, j’ai dû prendre un papier et un crayon parce que je n’arrivais pas à bien comprendre ce que ça faisait comme nombre de zéros des « milliers de millions » d’euros. L’augmentation de richesse de Martin Bouygues en un an, c’est ça : 1 000 000 000 d’euros. Ça représente 73 163 années de smic ou, dit autrement, 73 163 personnes payées au smic net pendant un an.

Martin Bouygues n’a donc pas très envie que vous commenciez à vous poser des questions sur lui, qui n’est pourtant que la 24e fortune de France. Il préfère de loin que vous pensiez que le vrai problème dans notre pays, ce sont les 360 migrants virés à La Chapelle. Car ils étaient 360. Si Martin Bouygues avait partagé son augmentation de richesse d’une année avec eux, il aurait donné à chacun 2,7 millions d’euros. Mais il aurait aussi pu donner cette augmentation de richesse aux impôts, ce qu’il n’a pas fait.

Des ultra-riches, il y en a plein. Challenges, qui les aime bien, s’amuse même à en faire un classement. Allez voir ! Les trois premiers possèdent à eux seuls 73 milliards d’euros ! S’ils partageaient cette richesse entre tous les Français, ils pourraient donner à chacun près d’un mois de smic ! Demandez-vous à quoi ça sert d’avoir 27 milliards d’euros qui dorment dans une banque comme Bernard Arnault quand il y a 3,5 millions de chômeurs et des gens qui dorment dans la rue ! Arrêtez d’accuser le migrant qui migre et qui dort dans une tente sous le métro d’être responsable de la situation de notre pays ! Et surtout, arrêtez de vous sentir responsable de la misère des gens qui sont dans la misère, vous qui gagnez 1 139 euros par mois et qui payez consciencieusement vos impôts en France ! Arrêtez d’avoir un pincement au cœur quand vous n’avez pas assez d’argent pour donner une pièce à celui qui a son chapeau devant lui dans la rue et dans lequel il n’y a que des pièces de 10 ou 20 centimes ! Ce n’est pas vous le responsable ! C’est Bernard Arnault, c’est Liliane Bettencourt, c’est Gérard Mulliez, c’est toutes celles et ceux de ce classement qui ne partagent pas leur richesse avec vous, avec nous tous : avec le peuple !

Voilà ce que la « préférence nationale » rend invisible : c’est l’écart considérable de richesse qu’il existe entre un Français riche et un Français pauvre et l’accaparation de cette richesse par le premier au détriment du second. C’est le fait que pour une bonne partie, ces Français riches et propres sur eux ne paient presque pas d’impôts en France et essaient par tous les moyens de contourner la loi. La fraude et l’évasion fiscales coûtent ainsi chaque année entre 60 et 80 milliards d’euros par ans, soit l’équivalent du déficit budgétaire de notre pays ! Ce n’est pas vous qui fraudez, ce n’est pas moi : ce sont les puissants, les ultra-riches, les grandes compagnies du CAC 40 et du reste du monde. Ce sont ceux qui vous virent, qui exploitent des enfants en Chine, en Inde et qui nous payent une bouchée de pain en France. Ce sont ceux qui créent du chômage et détruisent des vies et la planète pour leur course insensée au profit.

Tout cela, la « préférence nationale » ne le dit pas. Elle essaie de vous faire regarder ailleurs. Du côté de celui qui n’est pas tout à fait de la même couleur que vous. Du côté de celui qui est plus pauvre que vous pour que vous vous sentiez différent de lui. Ce que la « préférence nationale » ne vous dit pas, c’est que vous êtes l’ultra-pauvre d’un ultra riche tout à fait français qui dort tranquillement sur une montagne de billets de 500 euros. Des billets que vous n’avez vu, vous, que sur internet, en images, mais que vous n’avez jamais tenu et que vous ne tiendrez jamais dans vos mains.

Voilà tout ce que la « préférence nationale » ne dit pas. En cela, elle est un autre rempart destiné à protéger les puissants de notre regard. C’est pour cela que le Front national est la deuxième peau du système. Au lieu de montrer les vrais responsables de la misère (c’est à dire ceux qui accaparent la richesse), la « préférence nationale » montre du doigt ceux qui sont pauvres mais qui sont étrangers. D’ailleurs, la Cour de Cassation elle-même, considère cette notion comme illicite et indique qu’elle constitue « dans son essence un appel à la discrimination » puisqu’elle revient à distinguer les gens « en fonction de la race, de la religion ou de l’appartenance ethnique ».

Face à la misère, qu’elle soit une misère française ou qu’elle vienne d’ailleurs, il n’y a qu’une seule solution efficace. Pas la « préférence nationale » qui protège l’oligarchie. Non. Ce qu’il faut, c’est le partage des richesses. Ce qu’il faut, c’est que ceux qui ont tout donnent à ceux qui n’ont rien. Et s’ils ne sont pas d’accord pour le faire, il faut que le peuple puisse les forcer à le faire. C’est pourquoi il faut aussi sortir du système oligarchique de la Ve République qui protège les ultra-riches, puisque ni les grands médias (qui sont souvent possédés par les ultra-riches) ni ceux qui détiennent le pouvoir politique ne parlent ou ne traitent des vrais problèmes. Ce qu’il nous faut, c’est chasser l’oligarchie, c’est à dire le système collusoire que forment les ultra-riches, les médias à leur botte et le système politique actuel qui protège l’ensemble.

Nous sommes le peuple. Rien ne nous est impossible. Nous sommes bien plus forts que ces oligarques qui sont une poignée d’accord pour nous saigner. Et s’il faut mettre quelque chose derrière l’idée de « nation », ce que je mets, moi, c’est le peuple républicain, c’est celui qui dit : « Liberté, Égalité, Fraternité ». « Fraternité ». Ce mot est dans notre devise et doit nous faire regarder chaque être humain comme un frère et un semblable. Ne pas le faire, regarder l’étranger comme autre chose que cela, c’est commencer à trahir l’héritage de la Révolition.

 

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