Les 19 propositions de Jean-Luc Mélenchon à Des paroles et des actes.

Jeudi 25 avril, Jean-Luc Mélenchon était l’invité de l’émission « Des paroles et des actes » sur France 2. Certains commentateurs se sont plu à dire que que le coprésident du Parti de Gauche avait donné dans le « one man show » ou dans le « mélenshow », sans avancer de propositions concrètes.

A l’évidence, je n’ai pas regardé la même émission que ces commentateurs, puisque j’y ai pour ma part dénombré dix-neuf propositions concrètes (et il y a fort à parier que j’en ai oublié quelques-unes, je vous invite d’ailleurs à m’écrire si vous repérez un oubli). Cela étant dit, il est vrai que le travail de réécoute, de prise de notes et de recherche m’aura pris près de douze heures ; certains articles ayant été publiés quelques minutes après la fin de l’émission, il est relativement aisé de comprendre d’où viennent mes divergences de lectures avec certains journaleux.


Jean-Luc Mélenchon à « Des paroles et des actes » le 25/041/2013 by Parti de Gauche

1)      Amnistie sociale :

« La cruauté, c’est que quand nous constituons une majorité comme celle qu’il y a à l’Assemblée nationale que nous demandons ce minimum qui est le respect pour les nôtres et qu’on nous dit que nous ne l’aurons pas, ça, ce n’est pas acceptable. »

Mesure hautement symbolique, l’amnistie sociale ne constitue en aucun cas une « incitation à la violence », contrairement à ce que certains journalistes répètent à l’envi. Bien au contraire, il s’agit d’une mesure d’apaisement qui vise à reconnaître la légitimité des combats menés par des syndicalistes pour protéger le collectif de travail que constitue l’entreprise.

2)      Loi contre les licenciements boursiers

« Première décision [si j’étais Premier Ministre] : rassurer les nôtres. (…) Donc déjà on passe à toute vitesse (…) la loi contre les licenciements boursiers. »

Cette mesure, proposée en page 18 du programme L’Humain d’abord, vise à interdire des licenciements collectifs réalisés pour des motifs économiques alors que l’entreprise dégage des bénéfices.

3)      Lutte contre la finance

« On commence la répression de tous ceux qui ont truandé dans la finance. »

Cette mesure concrète recoupe plusieurs éléments. Il y a d’abord la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, celle-ci passant notamment par[1] :

– Le blocage des échanges de capitaux avec les paradis fiscaux qui seront contraints de publier chaque année le montant exact des fortunes qu’ils gèrent.

– La lutte contre la fraude aux cotisations sociales (entre 8 et 15 Mds€ par an)

4)      Moratoire sur la dette

« Pour créer une ambiance, on peut mettre un moratoire sur la dette, histoire de créer une ambiance de travail avec la finance internationale. »

Cette mesure consiste simplement à mettre en attente les créditeurs. Elle a surtout pour intérêt de permettre un audit citoyen de la dette.

5)      Audit citoyen de la dette

« Le contenu de la dette doit être analysé et je suis partisan d’un audit citoyen de la dette. »

Sur l’audit citoyen de la dette, on n’a pour l’instant jamais fait mieux que cette petite vidéo que je vous invite à regarder :

6)      Réforme des statuts de la BCE

« Nous allons d’abord aller voir nos vingt-sept collègues et [dire que] la Banque centrale européenne doit changer de statuts. Elle doit prêter directement aux Etats. Point. Point. On arrête cette folie. »

Par diverses mesures déjà évoquées telles que, par exemple, le moratoire et l’audit citoyen de la dette, nous pouvons créer les conditions d’un rapport de force avec la finance internationale, qui pousserait nos partenaires européens à soutenir le projet de réforme de la BCE porté par la France.

7)      Titularisation des 800 000 précaires de la fonction publique.

« Je commence tout de suite par titulariser tous ceux qui sont en situation de précarité dans la fonction publique (…). Il y en a presque 800 000 là-dedans, qui, enfin, vont avoir un horizon devant eux. »

Comme j’entends déjà hurler les libéraux, je signale que la mesure est budgétairement neutre puisque ces individus sont déjà embauchés et payés. Il s’agit simplement d’assurer leur  stabilité économique par un contrat de travail protecteur. Cette mesure était présente dans le programme L’Humain d’abord, p.14. On la retrouve également dans le Contre-budget du Parti de Gauche, p.15.

8)      Limitation des contrats précaires dans les entreprises.

« On prend des décisions pour [obliger à ce] qu’il n’y ait pas plus de 5% de précaires dans les grandes entreprises, pas plus de 10% dans les petites. »

Cette mesure simple, autrement plus efficace que la taxation des contrats courts (contenue dans l’accord made in Medef), vise à stopper l’explosion des contrats de travail précaires et à rétablir le CDI comme la norme en matière de contrat professionnel.

9)      VIe République

« On convoque la Constituante. »

L’Assemblée constituante aura pour but de rédiger une nouvelle Constitution. Nous en finirons ainsi avec l’exception constituée par la Ve République, seule Constitution de notre histoire à n’avoir pas été rédigée par une Constituante. Cette mesure est détaillée aux pages 61 à 66 du programme L’Humain d’abord.

10)  Ecosocialisme

« Je fais trois jours de Congrès. On y parle d’écosocialisme (…). Et vous [les journalistes], de quoi vous parlez ? De rien ! »

L’écosocialisme est l’idée maîtresse du Parti de Gauche. Voilà la courte définition qu’en donne la première des 18 thèses pour l’écosocialisme : « l’écosocialisme est une alternative pour sortir de la crise et imposer l’intérêt général humain : partager les richesses sans attendre, fonder une nouvelle économie des besoins et de la sobriété, préserver le climat, l’écosystème et sa biodiversité. ». Pour plus d’informations, voir les 18 thèses pour l’écosocialisme ainsi que la plateforme du troisième Congrès du Parti de Gauche, p.16.

11)  Réforme de l’impôt sur le revenu

« Dans mon programme, il y a marqué : ‘Nous allons faire quatorze tranches d’impôt et à la dernière on prend tout’. »

Le Parti de Gauche et le Front de Gauche proposent de lisser l’effort fiscal en créant un impôt sur le revenu beaucoup plus progressif, avec 14 tranches plutôt que les 5 actuelles. La dernière tranche, située à 30 000 euros par mois, soit 360 000 euros, serait imposée à 100% (soit les 1% les plus riches de la population française). Cette mesure rapporterait à elle seule 20 milliards d’euros[2].

12)  Investissements dans l’économie de la mer

« J’ai fait une proposition [au Congrès du Parti de Gauche] : j’ai parlé de l’économie de la mer. »

La paraphrase consistant à répéter moins bien ce que d’autres ont dit mieux que vous, voici ce qu’a dit Jean-Luc Mélenchon à « Des paroles et des actes » sur ce point précis : « La France est le deuxième territoire maritime du monde. L’humanité va s’étendre en mer. Donc l’aquaculture, la construction des bateaux, les hydroliennes que l’on installe dans les océans, l’exploitation du mouvement mécanique de la mer, tout ça, ce sont des qualifications, c’est de l’usinage, c’est du travail, c’est de l’intelligence. Les jeunes gens et les jeunes filles que nous formerons pour préparer ces métiers… ça, c’est une énorme quantité d’emplois. (…) 50% de la population française vit à moins de 100 km d’une côte. La mer est l’avenir de l’humanité parce que nous avons occupé toutes les terres et que la prochaine expansion de l’humanité se fait en mer. Et si vous ne le savez pas, c’est déjà commencé. »

13)  Retraite à 60 ans à taux plein

« Est-ce que comme on vit plus longtemps, il faudrait travailler plus longtemps ? Réponse : non. (…) Reporter l’âge de la retraite, c’est seulement augmenter le nombre de chômeurs. »

Cette mesure était inscrite dans le programme L’Humain d’abord : « Nous rétablirons (…) le droit à la retraite à 60 ans à taux plein (75% du salaire de référence) pour toutes et tous avec la prise en compte de la pénibilité de professions particulières donnant droit à des départs anticipés. Aucun salarié ne touchera de retraite inférieure au Smic. Le financement des retraites sera assuré en particulier par une cotisation nouvelle sur les revenus financiers des entreprises, au même taux que les cotisations employeurs sur les salaires. L’accroissement du taux et de la masse des cotisations patronales sur les salaires sera modulé en fonction des choix de gestion de ces entreprises. Aucun recours à la fiscalisation des retraites ou de la protection sociale ne sera opéré pour leur financement. »[3]

14)  Mise en place du protectionnisme solidaire

« Le protectionnisme solidaire, ça veut dire discuter avec les Chinois, produit par produit, de ce qui sort de chez eux et qui rentre chez nous. »

Le protectionnisme solidaire a été acté dans la plateforme du troisième Congrès du Parti de Gauche, dont voici un extrait : « Loin de la logique patronale de la « compétitivité » qui veut exporter à tout prix, nous pensons que le pays doit produire à nouveau ici ce dont nous avons tous besoin : du textile à l’électronique, en passant par l’électroménager, sans oublier la chimie, la métallurgie et la transformation des matériaux (plasturgie, ameublement, etc.) ainsi que l’agriculture. En la matière, le protectionnisme solidaire rend possible le respect du principe de souveraineté alimentaire, que nous défendons pour les pays du Nord comme du Sud, et la mise en place d’une politique agricole au service de l’intérêt général. La finalité de la production doit être la satisfaction des besoins. Nous produirons ici ce dont nous nous avons tous l’utilité. Cette reconstitution d’une capacité de production nationale est impossible sans de fortes mesures de protection commerciale. Le protectionnisme solidaire est donc un puissant levier pour réorienter la production et la consommation vers les besoins humains, tout en favorisant la solidarité internationale des travailleurs. Il permettra de faire décroître certaines consommations et d’en faire croître d’autres. Le protectionnisme est ainsi le compagnon logique de la planification écologique et des échanges commerciaux internationaux sur la base de la coopération et de la complémentarité. »

15)  Référendum révocatoire

« Quant aux élus, si vous voulez les contrôler, il faut les contrôler politiquement. C’est-à-dire qu’il faut introduire dans la Constitution la possibilité de référendums révocatoires. »

Jean-Luc Mélenchon a très clairement expliqué ce point à « Des paroles et des actes » : « C’est-à-dire que les gens peuvent, s’ils sont une liste d’un certain nombre, dire : ‘Monsieur Machin, Monsieur Truc, j’ai plus confiance, je demande qu’on vote pour savoir s’il est maintenu dans sa responsabilité’. »

16)  Allègement du coût du capital

« Vous pensez qu’il faut alléger le coût du travail ; je pense, moi, qu’il faut alléger le coût du capital. »

Cette mesure passe principalement par l’adoption d’une loi créant un pôle public financier (par la nationalisation de plusieurs entités bancaires), capable de se financer directement auprès de la BCE à des taux proches de 0% et de financer l’économie réelle. Elle passe aussi par le placement sous contrôle social des banques privées qui ne respecteraient pas la nouvelle réglementation en matière de lutte contre la spéculation et la financiarisation de notre économie[4].

17)  Création d’une exit tax.

« J’ai proposé d’appliquer en France ce que les Américains appellent l’exit tax. »

Cette mesure vise à appliquer une taxation différentielle des Français résidant à l’étranger. Il s’agit de faire payer aux Français résidant hors de France la différence entre ce qu’ils auraient payé au fisc français et ce qu’ils ont effectivement payé au fisc du pays dans lequel ils résident.

18)  Lutte contre la spéculation boursière

« Je suis pour qu’on diminue, à l’intérieur de l’entreprise (…) les droits et les pouvoirs de vote [des actionnaires] qui ne prennent pas d’engagements sur la durée de leur placement. »

Cette mesure permettrait d’éviter que des investisseurs se plaçant dans une logique de court-terme et de profit rapide ne prennent des décisions importantes concernant l’avenir économique de l’entreprise, et donc des salariés.

19)  Limitation des écarts de salaires dans l’entreprise (rapport de un à vingt maximum).

« Dans les entreprises, il n’y aura pas un [écart de] salaire supérieur de un à vingt. »

Il s’agit d’une des propositions du programme L’Humain d’abord, visant à mettre en place une solidarité de fait entre hauts et bas revenus : « Ainsi, les patrons ne pourront gagner plus sans d’abord augmenter les salariés du ‘bas de l’échelle’. »[5]


[3] Le programme du Front de Gauche. L’Humain d’abord, 2011, Librio, Flammarion, pp.15-16

[4] Voir Le programme du Front de Gauche. L’Humain d’abord, 2011, Librio, Flammarion, p.30 et Contre-budget du Parti de Gauche, p.7.

[5] Le programme du Front de Gauche. L’Humain d’abord, 2011, Librio, Flammarion, p.16.

 

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