Le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance, plus communément appelé TSCG, sera présenté devant l’Assemblée Nationale le 2 octobre et devrait être voté au plus tard le 4. Sur un projet aussi important, qui contraindra lourdement les générations futures et l’orientation de l’Union Européenne, le Front de Gauche demande que soit tenu un référendum, et appelle en ce sens à une grande manifestation le 30 septembre.
Plusieurs dispositions du TSCG apparaissent en effet dangereuses, tant pour l’économie de notre pays que pour la souveraineté du peuple français. A mon sens, ce traité pose trois grands problèmes de société.
1. Un problème économique
En ratifiant le traité, la France s’engagera à ce que le déficit budgétaire structurel (qui pose d’ailleurs en soi un problème de mesure et de définition) de ses « administrations publiques » ne dépasse pas 0,5% du PIB étatique (article 3). Pour faire simple, il s’agira d’arriver aussi rapidement que possible à un budget à l’équilibre ou excédentaire, et ce au niveau de l’Etat, des collectivités territoriales (régions, départements, mairies)… mais aussi de la Sécurité Sociale.
Un tel choc de réduction des dépenses publiques, à tous les échelons administratifs des Etats signataires, ne peut que mener à un enlisement économique profond et durable. La diminution de l’investissement public produira inévitablement une baisse de la croissance et une explosion du chômage, lesquels conduiront tout aussi inévitablement à une augmentation du déficit public.
Mais ce qui se cache potentiellement derrière l’article 3, c’est la privatisation massive des services publics, puisqu’ils entrent pleinement dans le « déficit structurel » de l’Etat. De l’éducation aux transports en passant par la santé, la solidarité nationale et la sécurité, de profonds bouleversements vont nécessairement devoir s’opérer, en cas de ratification du traité… le tout sous la surveillance de la Commission européenne et du Conseil de l’Union européenne (article 5).
Plus intéressant, la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) pourra mettre des amendes allant jusqu’à 0,1% du PIB (pour la France, cela représente 2 milliards d’euros environ) aux Etats qui ne respecteraient pas les dispositions du traité. C’est logique : le meilleur moyen de diminuer le déficit d’un Etat, c’est de lui coller une amende !
2. Un problème de souveraineté… et de « gouvernance »
Lorsqu’un Etat fera l’objet d’une procédure concernant les déficits excessifs, il devra mettre en place un programme de partenariat budgétaire et économique comportant une description détaillée des réformes structurelles à établir et à mettre en œuvre. Ce programme fera l’objet d’un suivi par le Conseil de l’Union Européenne et par la Commission européenne (article 5). D’autre part, « les parties contractantes donnent à l’avance au Conseil de l’Union Européenne et à la Commission européenne des indications sur leurs plans d’émission de dette publique » (article 6). En donnant ainsi à la Commission et au Conseil (institutions non élues au suffrage direct, rappelons-le) un pouvoir de contrôle accru sur la comptabilité nationale en amont (article 6) et en aval (article 5), le TSCG éloignera encore un peu plus le peuple du contrôle du budget, ce qui m’apparait contraire aux articles 3 et 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Autre élément inquiétant : alors que le traité veut officiellement renforcer la coopération entre les Etats européens, l’article 8 du TSCG dispose que la CJUE pourra être saisie par une ou plusieurs parties contractantes qui estimeraient qu’une ou plusieurs autres parties contractantes ne respectent pas le traité. En d’autres termes, pour renforcer la cohésion européenne, on donne officiellement aux « bons élèves » le droit de dénoncer les « mauvais » (et il convient de ne pas oublier que la « punition » est une amende qui accroîtra logiquement le déficit public de ces « mauvais élèves »). Difficile de trouver meilleure solution pour accentuer les tensions délétères qui règnent entre Etats du Nord et Etats du sud.
Enfin, le paragraphe 1 de l’article 12 dispose que « les chefs d’État ou de gouvernement des parties contractantes dont la monnaie est l’euro se réunissent de manière informelle lors de sommets de la zone euro auxquels participe également le président de la Commission européenne » et que « le président de la Banque centrale européenne (BCE) est invité à participer à ces réunions ». Or, dans cet article, rien n’est dit sur le rôle que joueront le président de la Commission et le président de la BCE dans ces « réunions informelles ». Pis : « Les chefs d’État ou de gouvernement des parties contractantes autres que celles dont la monnaie est l’euro, qui ont ratifié le présent traité, participent aux discussions des sommets de la zone euro concernant la compétitivité pour les parties contractantes, la modification de l’architecture globale de la zone euro et les règles fondamentales qui s’appliqueront à celle-ci dans l’avenir » (article 12, paragraphe 3). En d’autres termes, le TSCG donne aux Etats non membres de la zone euro la possibilité d’intervenir officiellement dans les affaires de l’union monétaire, et ce y compris concernant des questions aussi fondamentales que la modification de l’architecture globale de la zone euro et les règles fondamentales qui s’appliqueront à celle-ci dans l’avenir. Si l’amélioration de la « gouvernance » européenne a pour but de mener à une multiplication des conflits d’intérêts, c’est à n’y rien comprendre !
3. Un problème d’orientation
L’article 9 (qui est aussi à mettre en relation avec le paragraphe 3 de l’article 12, voir ci-dessus) du traité, souvent laissé de côté, est pourtant primordial. Il dispose la chose suivante : « les parties contractantes s’engagent à œuvrer conjointement à une politique économique qui favorise le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire et qui promeut la croissance économique grâce au renforcement de la convergence et de la compétitivité ».
Nul doute que la convergence des économies européenne est une nécessité mais étant désormais entendu par tous que « compétitivité » signifie en substance « baisse des salaires » et/ou « baisse des charges patronales » et/ou « assouplissement du droit du travail », il me semble qu’en ratifiant le TSCG, la France fera du dogme néolibéral une de ses normes nationales. On peut ou pas adhérer à l’idée que le problème de la France est un problème de compétitivité (même si beaucoup pensent, et j’en suis, qu’il s’agit avant tout d’un problème de répartition des richesses) mais de là à accepter que la recherche de la compétitivité soit inscrite dans les lois nationales, il y a un pas que beaucoup de citoyens hésiteraient à franchir (si on leur donnait l’occasion de voter). Les plus écologistes remarqueront également que pas un mot n’est dit sur la croissance verte et sur la possibilité d’un nouveau souffle économique associé à une transition énergétique.
Conclusion
J’ai essayé de montrer ici quels sont les trois grands problèmes que pose, à mon sens, le TSCG. Mon plaidoyer s’inscrit évidemment dans une logique d’opposition au traité mais mon objectif est avant tout de susciter un débat de fond. Que l’on soit pour ou contre la ratification du TSCG, il est du devoir de chaque citoyen de s’enquérir de ce dont il s’agit et d’exiger que la parole soit donnée au peuple français sur une question aussi déterminante pour l’avenir de notre nation. Contrairement au traité de 2005, celui-ci est court et relativement facile d’accès (seize articles en tout et pour tout) ; il pourrait par conséquent occasionner un grand débat de société sur la vision que les Français ont pour le futur de leur pays et de l’Union Européenne. Que l’on soit de droite ou de gauche, le respect de la souveraineté du peuple doit passer par le référendum sur une question aussi cruciale que le TSCG. Exigeons ce référendum !