Pour le « Huffington Post », Syriza = danger et Mélenchon = Le Pen

Décidément, l’oligarchie a peur ! Après Le Monde il y a quelques jours, qui s’en prenait à Syriza et Podemos, c’est maintenant le Huffington Post qui s’y met. Et de la manière la plus dégueulasse qui soit : celle qui consiste à mettre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sur le même plan. Sur son compte Facebook, le journal publie même l’article dont je vais parler ici en écrivant « Quand on dit que les extrêmes se rejoignent… ». De la pure propagande véhiculée par l’UMP, le PS et tout ce qu’il y a au milieu qui, quoi que faisant la même politique, ne se rejoignent pas pour le Huffington Post.

Tout y est dans cet article : le titre, la photo d’illustration, et le texte consistent à mettre sur le même plan Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Mais l’article va plus loin puisqu’il déroule aussi une propagande incroyable contre Syriza et, même, contre la démocratie, tout en plaçant Nicolas Sarkozy en avant. Voyons tout cela de plus près.

Comme l’article est un peu long, voici un menu qui vous permettra d’aller directement à la ou les sections qui vous intéressent le plus :

Mélenchon = Le Pen, Le Pen = Mélenchon
Le titre
La photo
Le texte

La propagande contre Syriza et la démocratie

La propagande sarkozyste

Conclusion

Mélenchon = Le Pen, Le Pen = Mélenchon

C’est un ressort classique de la propagande journalistique qui s’applique contre nous : celui qui consiste à mettre Jean-Luc Mélenchon sur le même plan que Marine Le Pen et inversement. Cela permet de faire, au final, un gloubi-boulga sur « les » extrêmes ou « les » populistes ou « les » ce-que-vous-voulez, mais qui sont en tout cas sacrément dangereux. L’OPIAM (« Observatoire de la Propagande et des Inepties Anti-Mélenchon) en fait autant que possible le relevé ; depuis juillet 2011, il a recensé pas moins de 105 articles qui entrent dans cette logique ! Je vous y renvoie donc. Dans l’article que nous étudions ici, tout est mis au service de cette propagande : le titre, la photo et le texte.

Le titre

« Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen unis pour saluer la crise politique en Grèce », voilà comment le Huffington Post a choisi de titrer son article. Rien qu’ici, deux éléments importants sont utilisés : l’idée qu’il existe une continuité d’idées entre l’extrême droite et la gauche radicale d’une part et l’idée qu’il s’agit de forces politiques dangereuses d’autre part.

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Voyons le premier point. Le mot utilisé est « unis ». Il est loin d’être anodin, et il s’agit d’une expression fréquemment utilisée par les médiacrates pour mettre un signe « égal » entre Mélenchon et Le Pen (voir par exemple cet article de France Soir, ou encore cet article de 20 minutes). Voici quelques définitions de ce mot : « Qui est avec, ou qui sont ensemble, de manière à former un tout harmonieux ou à être en union, en association », « Où règne la concorde ». On ne sait pas si le journaliste qui a écrit l’article a déjà vu ce que donne un débat « Mélenchon contre Le Pen », mais ce n’est ni « harmonieux » ni un moment « où règne la concorde ». Même dans le cas présenté par l’article, les motifs de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen de se réjouir d’élections législatives anticipées sont différents : le premier espère voir Syriza arriver en tête et s’en est expliqué dans une note de blog ; la seconde ne dit pas ce qu’elle espère et tient un discours creux de dénonciation sans écrire une seule fois dans son communiqué (je ne mets pas de lien, vous chercherez) que c’est de Syriza et de Syriza seulement que peut venir le « coup fatal » dont elle parle.

Le second point consiste à donner l’idée dès le titre que non seulement Mélenchon = Le Pen, mais encore que Mélenchon = Le Pen = danger. Voyez la fin du titre : « unis pour saluer la crise politique ». Si on ne prend que le milieu, ça donne « saluer la crise ». On a l’impression de deux fous qui se donnent la main et regardent avec délice des gens tomber dans un précipice. La liste des synonymes du mot « crise » donne une idée assez juste du degré de négativité qu’il véhicule : « trouble », « détresse », « danger », « péril », « tension », etc. « Saluer la crise », c’est donc faire preuve au pire de folie, au mieux de sadisme. Pas très positif…

La photo

Là aussi, c’est un classique. On ne compte plus les montages photos mettant côte à côte Le Pen et Mélenchon (voir par exemple celui-ci, du Monde ou encore celui relevé par l’OPIAM dans le JDD). La photo utilisée ici présente un collage d’affiches de la présidentielle de Jean-Luc Mélenchon sur lesquelles a été collée une affiche de la présidentielle de Marine Le Pen. On a l’idée d’un mélange entre les deux (et, si on va jusqu’au bout, que Marine Le Pen est « plus visible » que Mélenchon, ce qui est d’ailleurs vrai d’un point de vue médiatique, tant l’espace accordé au FN dans les médias est considérable). Au final, la photo vient appuyer visuellement l’idée que « Mélenchon = Le Pen ».

Le texte

C’est toute la deuxième partie de l’article qui est consacrée à la rhétorique « Le Pen = Mélenchon ». Voici les formules utilisées dans l’article dans cette optique (c’est moi qui souligne) :

« Aux deux extrémités de l’échiquier politique, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen se sont empressés de réagir. Pour dire sensiblement la même chose. » / « Critique des dirigeants européens et de la finance [par Jean-Luc Mélenchon]. Le texte est quasiment identique dans le communiqué publié presque au même moment par Marine Le Pen. » / « Marine Le Pen a le programme de M. Mélenchon » (citation de Nicolas Sarkozy utilisée dans l’article) / « Ne cédons pas au populisme triomphant comme le font le FN ou Jean-Luc Mélenchon » (citation de la porte parole du PS utilisée dans l’article) / « Ce n’est pas la première fois que les deux anciens candidats à la présidentielle, qui se sont également affrontés aux législatives de 2012, se retrouvent à défendre la même position » / « Marine Le Pen elle-même avait reconnu début novembre que ses positions étaient souvent “pas très éloignées” de celles de l’extrême-gauche »

« Sensiblement la même chose », « quasiment identique », « [même] programme », ils « font [pareil] », ils « défendent la même position », les positions de Marine Le Pen « pas très éloignée de celles l’extrême gauche »… on le voit, tout ici est fait pour mettre un signe « égal » entre Mélenchon et Le Pen, ce qui a le désavantage pour Mélenchon de le faire passer pour un extrémiste dangereux mais qui donne à l’inverse à Marine Le Pen des « brevets sociaux » qui viennent appuyer sa dédiabolisation et son discours « je suis ni de droite ni de gauche », ce qui ne tient évidemment pas la route à bien regarder son programme (elle ne propose pas l’augmentation du smic, c’est à dire un rapport de force avec le patronat, mais un crédit d’impôt ; elle ne propose pas le salaire maximum ; elle ne propose pas une 6e République ; elle veut le droit du sang et pas le droit du sol ; elle demande le rétablissement de la peine de mort ; etc.).

Que l’UMP et le PS mène la même politique économique, que cette politique économique soit menée partout en Europe, qu’elle soit à l’origine de la « crise politique » en Grèce, tout cela n’intéresse pas le Huffington Post. Jamais il n’a titré : « Le PS et l’UMP grecs unis pour l’austérité ». C’est pourtant ce qui s’est passé. Si « unité » politique il y a, elle est à chercher au centre : dans plus de la moitié des pays de l’Union européenne, l’équivalent du PS et de l’UMP pour chaque pays gouvernent ensemble. Voilà ceux qui sont « unis », pour le malheur du peuple et la défense des intérêts de l’oligarchie ! Voilà les extrémistes ! Voilà les ennemis de la démocratie qui répètent qu’il n’y a « pas d’alternative » ! Voilà ceux qui sont dangereux et qui sont les ennemis du bien public : ceux qui gouvernent. Et j’espère que Syriza ouvrira la brèche par où toute l’Europe pourra s’engouffrer, à commencer par Podemos en Espagne dès novembre 2015 !

La propagande contre Syriza et la démocratie

Comme l’a fait Le Monde, le Huffington Post déploie dans cet article une propagande militante contre Syriza et, même, contre la démocratie. Voici comment est décrite la situation en Grèce  (c’est moi qui souligne) :

« Crise politique en Grèce » / « La Grèce est au bord du gouffre politique » / « Une situation qui inquiète les marchés financiers et la Commission européenne, à commencer par Pierre Moscovici »

Les effets de l'austérité en Grèce en chiffres.
Les effets de l’austérité en Grèce en chiffres.

Bon, commençons par se réjouir du fait que les marchés financiers, la Commission européenne et Pierre Moscovici soient inquiets. Avec toutes les souffrances qu’ils ont infligées au peuple, chacun à leur place, c’est un juste retour sur investissement pour eux. Mais, plaisanterie mise à part, voyez le vocabulaire utilisé : « crise », « au bord du gouffre », « situation qui inquiète »… on a fait moins anxiogène. En cause ? La possible arrivée de Syriza au pouvoir dès janvier ou février 2015 suite à la convocation d’élections législatives anticipées dans ce pays.

Étrangement soudainement inquiet de la situation de la Grèce, le Huffington Post ne dit rien du comportement parfaitement antidémocratique de Pierre Moscovici qui, quoique membre de la Commission européenne, se permet de donner un avis sur des élections politiques nationales. Un scandale qui ne tient pas de la « bourde » mais d’une ligne politique assumée par la Commission européenne ! Jean-Claude Juncker, président de la Commission, a en effet fait la même chose quelques jours auparavant ! Que dit cette fois Moscovici ? Que quel que soit le résultat de l’élection en Grèce, la même politique devra être appliquée ! Rien que ça ! Exactement comme l’avait fait Wolfgang Schäuble, ministre allemand des finances, qui a déclaré que « de nouvelles élections ne changent rien à la dette grecque » et que « chaque nouveau gouvernement doit respecter les accords pris par ses prédécesseurs ». On cauchemarde !

Pour le Huffington Post, le danger et l’extrémisme, c’est Syriza. Le fait que les institutions européennes déclarent que quel que soit le résultat d’une élection, la même politique d’austérité devra être appliquée, ça, en revanche, ce n’est ni dangereux, ni choquant ! Il est pourtant plus que temps d’ouvrir les yeux sur la situation politique des pays de l’Union européenne : le fait d’avoir la liberté de voter ne signifie pas mécaniquement l’existence de la démocratie. Quand le fait de voter ne change rien à une politique, parce que, paraît-il, il n’y aurait pas d’autre politique « possible », quelle différence reste-t-il avec une dictature ? Le Huffington Post aurait-il l’amabilité de bien vouloir apporter une réponse à cette question ?

La propagande Sarkozyste

De manière tout à fait étonnante, c’est Nicolas Sarkozy qui sert de conclusion à un article avec lequel il n’a rien à voir. Pourquoi ? Parce qu’il a dit, à l’occasion d’un discours, la chose suivante : « Mme le Pen n’est pas à l’extrême droite, elle est à l’extrême gauche. Elle a le programme de M. Mélenchon ». Sans doute le journaliste du Huffington Post s’est-il dit : « Tiens, ça me fera une bonne conclusion. Et pis comme ça, tout le monde pourra voir que je ne suis pas le seul à penser que Mélenchon = Le Pen. Ouais, ça va être bien. »

Sauf que d’un point de vue de « l’objectivité journalistique » ou de la « neutralité professionnelle », c’est franchement limite. En effet, Nicolas Sarkozy dit cela dans le contexte bien spécifique qui est le sien : alors que son électorat tend à se radicaliser et à glisser vers Marine Le Pen, sa stratégie à lui est de développer l’idée que Marine Le Pen n’est pas de droite et que, donc, un électeur de droite doit en toute logique voter pour lui en 2017 (au passage, on soulignera ici le manque de cohérence idéologique du bonhomme puisqu’il a aussi dit que l’UMP devait « occuper tout l’espace disponible entre le PS et le FN »… donc entre le PS et l’extrême gauche, si on le suit ? Hem). Bien sûr, Nicolas Sarkozy n’a rien à perdre à affirmer cela : au mieux, il récupère des électeurs pour lesquels le mot « droite » a encore un sens ; au pire, il augmente la confusion médiatiquement entretenue que « Le Pen = Mélenchon », c’est à dire exactement ce que fait cet article du Huffington Post. La boucle de la propagande oligarchique est bouclée : la parole médiatique légitime le discours politique et le discours politique légitime la parole médiatique.

Conclusion

Paradoxalement, alors que cet article cherche à démontrer que « Mélenchon = Le Pen », il démontre avant tout combien l’oligarchie est structurée et parle d’une même voix. Après Juncker, qui a déclaré en substance qu’il préférait voir Stavros Dimas (candidat de la droite en Grèce) être élu, après Wolfgang Schäuble, ministre allemand des finances, qui a déclaré que « de nouvelles élections ne changent rien à la dette grecque », on apprend dans cet article du Huffington Post que Pierre Moscovici se permet de dire qu’il n’y a pas d’alternative à la politique appliquée en Grèce, que le porte-parole de l’UMP déclare que « si un parti d’extrême gauche arrivait au pouvoir, ce serait le risque de retomber dans des déficits abyssaux » et enfin que la porte-parole du PS pense comme Nicolas Sarkozy que « Mélenchon = Le Pen » et déclare qu’il ne faut pas céder « au populisme triomphant comme le font le FN ou Jean-Luc Mélenchon ». La réaction des marchés financiers, qui spéculent activement contre la dette grecque, va également dans le même sens.

Après l’article de propagande du Monde contre Syriza et Podemos, le Huffington Post s’y met donc lui aussi, suite à la convocation d’élections législatives anticipées en Grèce, qui pourraient voir Syriza arriver au pouvoir fin janvier. Effrayée qu’elle est par cette hypothèse, l’oligarchie se braque : la Commission européenne envoie des recommandations de vote, le PS et l’UMP français aussi (dans l’article du Huffington Post, le porte-parole de l’UMP et la porte-parole du PS, qui sont interrogés, disent la même chose), les marchés attaquent la dette grecque, les médias dominant nous arrosent de leur propagande anti-Syriza… Il faut donc s’attendre à un mois de janvier 2015 intense du côté de la bataille culturelle et médiatique sur le sens des évènements qui vont se dérouler et ne rien céder face aux journaux de l’oligarchie.

Car ce qui se passe en Grèce, de même que ce qui se passe en Espagne, peut être décisif pour la France. Alors que, dans notre pays, la dynamique est malheureusement du côté de l’extrême droite, un renversement de la table par Syriza et Podemos en Grèce et en Espagne pourrait changer la situation et montrer par l’exemple au peuple français et à toute l’Europe où sont les vrais ennemis de l’oligarchie. Il est donc de la plus haute importance que nous ne laissions rien passer de la propagande médiatique qui va évidemment continuer à s’abattre contre Syriza, mais en plus s’étendre à toutes les forces politiques qui en sont proches partout en Europe. Nous devons le faire pour ne pas affaiblir nos camarades grecs à l’heure décisive où va s’accentuer sur eux le déchaînement de toute l’oligarchie européenne, mais nous devons aussi le faire pour nous, Français, qui ne souhaitons pas avoir à choisir en 2017 entre Sarkozy et Le Pen, entre l’extrême droite et la droite extrême.

 

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