C’est une des conséquences de la longue surdité du gouvernement face aux demandes des gilets jaunes : désormais, les revendications démocratiques sont au premier plan. En effet, pendant de longues semaines, le Premier ministre et le président de la République ont refusé de répondre aux gilets jaunes sur leur première demande : le pouvoir d’achat. Il aura fallu attendre 3 actes de mobilisations pour qu’enfin le pouvoir se décide à retirer la taxe sur les carburants qui avait mis le feu aux poudres. Et ce alors que, depuis le 17 novembre, les gilets jaunes arrivent à maintenir un très haut niveau de mobilisation largement soutenue par l’opinion publique, qui reste derrière eux malgré toutes les tentatives d’intimidations. Et lorsque le pouvoir s’adresse à ce peuple en colère, il le fait systématiquement sur le mode de l’enfumage. Dernier exemple en date : Macron qui, lundi 10 décembre, annonçait une hausse du smic dont il n’aura pas fallu une heure pour se rendre compte qu’elle n’en était pas une.
Logiquement, ces dirigeants butés ont fait entrer le mouvement dans une nouvelle phase. Désormais, de plus en plus de gens dans l’action réclament l’exercice réel du pouvoir par le peuple. Pour réaliser ce qui est simplement la promesse républicaine, une idée revient souvent sur les ronds-points et dans les groupes Facebook : le référendum d’initiative citoyenne (souvent appelé par ses initiales : « RIC »). Il s’agit de permettre à un groupe de citoyens suffisamment important de pouvoir proposer une loi soumise au vote de l’ensemble du corps électoral. Il existe aussi pour abroger une loi. Dès le 28 novembre, il figurait dans la liste de revendications appelée « directives du peuple » envoyée à tous les parlementaires et médias. Le groupe Facebook « la France en colère », l’un des plus suivi issu du mouvement des gilets jaunes, propose un sondage. La proposition « référendum d’initiative citoyenne » cumule près de 30 000 votes après seulement 4 jours.
Le RIC était dans L’Avenir en Commun, programme de Mélenchon et LFI
Cette proposition qui se répand aujourd’hui comme une trainée de poudre figurait dans le programme d’un des principaux candidats à l’élection présidentielle de 2017 : Jean-Luc Mélenchon. On le trouve en effet au point 3 de l’Avenir en Commun : « Une République permettant l’intervention populaire ». La proposition est rédigée en ces termes : « Instaurer le référendum d’initiative citoyenne et le droit des citoyens de proposer une loi ».
Mais les propositions du candidat de la France insoumise allaient plus loin que ce seul outil pour démocratiser la vie politique de notre pays. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon proposait de convoquer une Assemblée constituante dans laquelle interviendrait une part de tirage au sort pour refonder complètement nos institutions. L’idée était – et est toujours – que cette Assemblée, en lien permanent avec l’ensemble des citoyens, rédige une nouvelle Constitution plus démocratique. Le texte aurait ensuite été soumis à référendum du peuple français tout entier et la nouvelle Constitution aurait été soit adoptée soit repoussée – auquel cas le travail constituant aurait repris de nouveau.
Il est à noter que la France insoumise et Jean-Luc Mélenchon proposaient de nombreux outils pour renforcer la démocratie dans notre pays en cas de victoire à l’élection présidentielle. Ainsi, on trouvait également dans le programme L’Avenir en commun : la reconnaissance du vote blanc, la généralisation de la représentation proportionnelle, la création d’un référendum révocatoire pour dégager un élu en cours de mandat et l’obligation de « recourir au référendum pour réviser la Constitution ou ratifier tout nouveau traité européen et garantir le respect de la décision populaire». Autant de propositions qui auraient clairement démocratisé la vie politique de notre pays.
« Nous ne sommes pas les notables du peuple ! »
Une fois la campagne présidentielle terminée, Jean-Luc Mélenchon et les insoumis n’ont pas remisé leur idée de référendum d’initiative citoyenne au placard. Ils l’ont notamment défendue lors du débat (avorté par l’affaire Benalla) sur la révision de la Constitution votée par Macron. Le groupe de la France insoumise à l’Assemblée nationale a en effet présenté des amendements pour introduire le référendum d’initiative citoyenne pour proposer une loi, abroger une loi ou révoquer un élu, tant au niveau national qu’au niveau local.
Ces amendements ont été défendus lors de la séance du 16 juillet 2018. Aux députés macronistes qui accusaient les insoumis de vouloir opposer le peuple au Parlement, Jean-Luc Mélenchon répondit notamment : « Cela reviendrait à dire que notre Assemblée est d’une nature distincte de la volonté générale, mais cela n’existe pas dans la conception théorique de la République ! Nous ne sommes pas les notables du peuple ! Nous sommes ses représentants directs (…) pourquoi serait-ce un problème que 500 000 Français aient la capacité d’initiative des lois, alors qu’ici, un groupe, même s’il ne compte que dix-sept personnes, peut déposer une proposition de loi, un jour de niche parlementaire ? Si l’on rapporte cela au nombre de députés, dix-sept fois 51 000, cela ne fait pas une quantité excessive ! ».
Plus récemment, on retrouve le même Jean-Luc Mélenchon défendant encore cette idée à l’occasion d’une conférence sur les institutions à l’occasion des 60 ans de la cinquième République, le 4 octobre dernier. Le 5 décembre, lors du débat programmé à l’Assemblée nationale sur les gilets jaunes, il fit remarquer aux dépurés En Marche que parmi les revendications qu’ils avaient rejetés lorsqu’elles avaient été présentées sous forme d’amendements par la France insoumise, il y avait le fameux RIC. Mathilde Panot, députée de son groupe a encore mis en avant cette proposition dans sa question au gouvernement du 11 décembre dernier. Et Jean-Luc Mélenchon est de nouveau revenu sur le sujet le 13 décembre 2018 lors de la séance durant laquelle il a demandé une minute de silence pour les gilets jaunes morts dans la lutte.
On peut donc dire que, sur le sujet – comme sur beaucoup d’autres -, les insoumis ne sont pas décidés à lâcher le morceau ! C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles les insoumis sont ceux qui soutiennent le plus massivement le mouvement des gilets jaunes, selon un sondage publié récemment. De fait, les porosités programmatiques entre les gilets jaunes et les insoumis sont nombreuses, comme l’ont montré une étude très précise réalisée par la France insoumise et une autre réalisée par le journal Le Monde. En tout cas, dans cette période insurrectionnelle et de révolution citoyenne, on sait qu’on trouvera les insoumis aux côtés des gilets jaunes pour porter avec force la revendication d’un référendum d’initiative citoyenne, et plus largement celle de la nécessaire démocratisation de la vie politique de notre pays.