Les résultats du premier tour des élections territoriales en Corse sont désormais connus. Ils confirment la tendance observée dès les élections législatives : vague autonomiste, effondrement des partis du vieux monde politique. Les premiers finissent à 45%. Chez les autres, c’est pour le FN que la claque est la plus violente : il passe de 28% à la présidentielle à 3% aujourd’hui. En Marche passe de 18% à 11%. LR passe de 25% à 15%. Le PS, qui affichait 3%, disparaît du tableau. Enfin, les méthodes du PCF local et de sa liste ont été elles aussi rudement châtiées : le parti termine avant-dernier à 5%.
Il est vrai qu’il avait lourdement chargé la mule. D’abord en volant leur identité aux insoumis, ensuite en bourrant la liste de ses candidats : sur dix, sept étaient communistes encartés et trois sont des anciens communistes, dont l’ancien secrétaire départemental. Toutes ces violences contre les soutiens locaux de la France insoumise, hostile à ce noyautage, se sont ensuite doublées d’un flot de violences verbales contre « Paris et Mélenchon » sur un ton qui a consterné un grand nombre de communistes corses peu amis de ce type de méthode. Quelle méthode ? Une méthode de faussaire. Pour troubler le choix politique et tordre le bras aux insoumis.
Je le sais parce que les vrais insoumis locaux, c’est à dire ceux qui n’acceptent pas ces pratiques et les dénoncent au nom des principes de « la France insoumise », m’ont fait parvenir un compte-rendu très détaillé intitulé : « Histoire d’une tambouille en Corse ». Un document qui montre à quel point c’est la tricherie et le mensonge qui ont mené à la constitution d’une liste « soupe-aux-sigles » où le PCF a tenté de s’approprier le nom « insoumis » en se dissimulant sous le sigle des autres. Comme le bernard-l’hermite.
Je passe en vitesse sur les tromperies préalables : ces 8 militants d’Ensemble prétendument « insoumis » qui engagent des « discussions » avec le PCF sans prévenir l’ensemble des insoumis ; leurs réunions avec le PCF sans compte-rendu ; ces réunions où les discussions portent sur les places dans la liste plutôt que sur le programme et qui sont absolument contraire a la méthode de la France insoumise. Un travail politicien dont on a vite vu le résultat. La tête de liste n’avait pas une proposition réellement liée a la situation de l’île. Ses prestations télévisées furent donc lamentables, hors sol en quelque sorte. Mais le plus dur à lire, c’est le récit de la « réunion » où il aurait été « décidé » par « les insoumis de Corse » de faire liste commune avec le PCF. Une grossière manipulation.
Cette réunion se tient le 9 septembre, à Bastia et Ajaccio. « Interdiction » (le mot est souligné dans le document en ma possession) est faite d’évoquer la possibilité de présenter une liste France insoumise autonome, de même que celle de ne pas faire de liste du tout. Seul sujet à l’ordre du jour : l’unitaaaaay avec le PCF. L’ambiance décrite par les insoumis locaux en dit long :
« On nous a demandé de voter dans un grand brouhaha pour une question reformulée à plusieurs reprises. Pas de procurations pour les absents, impossible de savoir comment avaient été convoqués les présents, pourquoi eux et pas d’autres. De qui cette assemblée était représentative ? Et les autres [groupes d’action] ? Quid du millier d’Insoumis en Corse qui ont appuyé la candidature de JL Mélenchon ? »
Bilan du vote : 10 pour l’union à Bastia (« dont des invités, des PC… », est-il précisé dans le document), 20 à Ajaccio. Conclusion sans nuance des insoumis locaux :
« Donc dans toute la Corse 30 personnes se prononcent pour une alliance parfaitement contraire à l’essence même de la FI sans aucun débat préalable. 30 personnes sur le millier d’Insoumis ayant soutenu la candidature de JL Mélenchon sur la plateforme ! ».
Et, parmi eux, des « invités » du PCF….
On comprend donc que les méthodes utilisées par le PCF sur place ont tout fait pour entretenir une confusion maximum et imposer aux insoumis de Corse une décision dont ces derniers ne voulaient pas. Il ne s’agit donc pas d’un choix de « la bââââse » contre « Paris », comme l’ont ensuite répété les militants du PCF et quelques médias complaisants, mais bien d’une manœuvre, d’une triche et d’une tambouille dont les insoumis qui ont voté Mélenchon à la présidentielle ne veulent plus entendre parler. Le document précise d’ailleurs :
« Tout est fait pour faire passer cela pour un conflit entre le méchant dictateur Mélenchon qui ne comprend rien et les gentils Insoumis corses seuls aptes à comprendre les choses. Ce sont de parfaits usurpateurs. Ils ne représentent absolument pas les Insoumis de Corse. Mais ils se sont présentés comme tels depuis des mois aux médias locaux. Voir la page Facebook de la liste “L’avenir la Corse en commun” pour constater que plus qu’une page de campagne, c’est une page de Mélenchon bashing. »
Toute la direction du PCF s’est évidemment engouffrée dans la tambouille en sachant parfaitement à quoi s’en tenir. À commencer par l’odieux porte-parole du parti qui connaissait l’opposition de la France insoumise à cette liste mais qui fit mine de l’ignorer, exaspérant tout le monde et rendant le divorce irréversible. Et bien sûr, Pierre Laurent, le secrétaire général du parti. Il a proclamé qu’on serait « obligé » de soutenir « l’unique liste de gauche ». On voit le niveau du plan : compter sur le vote contraint. Le « vote utile » brandi par un groupuscule qui a fait 3% aux législatives sur l’île. Il est donc allé participer à une réunion publique en Corse pour soutenir la liste des faussaires. Celui qui n’a pas appelé à marcher le 23 septembre contre le coup d’État social d’Emmanuel Macron et s’est contenté d’envoyer « une délégation » (oui : « une délégation » de 5 personnes pour se battre contre Macron) a en revanche trouvé l’énergie d’aller en Corse pour soutenir la tambouille et la soupe-aux-sigles qui est son seul horizon politique. Le meeting, lui, fut un grossier pied de nez à tous les récalcitrants. Et quand on voit la déco, lourdement PCF, on ne peut se faire aucune illusion sur la brutale lourdeur des méthodes utilisées.
Voilà comment, une fois de plus, la direction actuelle du PCF aux abois a joué le jeu de l’arnaque et de la contrefaçon politiques dans le seul espoir d’obtenir des places. Telle est sa déconcertante stratégie pour affirmer son identité en se dissimulant sous les sigles des autres. Le parti sous Pierre Laurent avait déjà fait le coup à d’autres élections locales, et en particulier aux municipales, avec le logo « Front de Gauche ». Trop honteux de faire l’alliance avec un Parti socialiste détesté du peuple pour obtenir des postes, peu importe le programme, les chefs locaux du PCF s’étaient dans de nombreux endroits approprié le sigle « Front de Gauche » pour brouiller les pistes et empêcher un choix politique clair pour les citoyens.
J’ajoute que récemment, le PCF (et je précise : les cadres, pas les militants) a fait la démonstration d’une certaine hostilité envers la France insoumise. En faisant de la rétention de signatures à l’élection présidentielle avant de céder devant l’évidence et le fait accompli. Puis en empêchant les candidats de la France insoumise aux élections législatives d’accéder au second tour dans 45 circonscriptions, en maintenant leurs candidats qui faisaient un score de 2% suffisant à nous faire manquer de justesse la deuxième place. Enfin, en ne respectant pas l’accord électoral passé aux européennes de 2014 qui voulait que si Jean-Luc Mélenchon devait quitter son siège de député européen (ce qui est arrivé avec son élection à Marseille), celui-ci reviendrait à Manuel Bompard, troisième de liste dans le « grand Sud-Ouest », pour conserver un équilibre entre le PCF et les autres forces politiques au Parlement européen. Mais la communiste Marie-Pierre Vieu, deuxième de liste qui devait démissionner le cas échéant, s’est finalement maintenue, trahissant donc une nouvelle fois la parole donnée par son parti.
Que les choses soient claires : pour ma génération, chez les insoumis, le PCF est une machine à échouer et à se marginaliser. Je fais parti de ceux que l’épisode Corse, après tant d’autres, ont convaincu de ne pas permettre que recommence si peu que ce soit ce genre de tambouille pour les prochaines échéances électorales. « L’Avenir en commun » est un programme politique de gouvernement et l’insoumission une méthode d’action pour y parvenir. Rien d’autre. Ceux qui essaient de se servir de ces noms pour leur profit personnel seront durement et rudement punis. Par les urnes.
Car c’est ce qui vient de se vérifier une nouvelle fois. La soupe aux sigles, le « rassemblement de la gauche », ne mène nulle part qu’a l’échec. Une poignée d’apparatchiks paresseux a cru avoir tout fait en se liguant, sans programme, sans participation ni interactivité avec le peuple. Ils ont joué petits-bras en comptant sur les votes contraints pour faire du témoignage minoritaire à l’assemblée de Corse. Leurs personnes et leurs méthodes ont été balayées. Au lieu de s’interroger sur l’échec cuisant, plutôt que de se demander où sont passés les électeurs de la « gauche » qu’il prétendaient « rassembler », ils en reviennent au pire de ce qu’ils sont : des moulins à faire du vent sur Jean Luc Mélenchon. Cela ne va certainement pas arranger leurs affaires. Car la méthode qui n’a pas fonctionné avant le vote ne fonctionnera certainement pas mieux après.