Dans ce débat sur France Culture, Antoine Léaument, député LFI, échange avec le politologue Frédéric Sawicki sur la stratégie de La France insoumise, sa conflictualité assumée, son rapport aux médias, et sa volonté de rupture avec le modèle politique traditionnel.
Frédéric Sawicki ouvre la discussion en relevant une nouveauté dans la vie politique française : une polarisation autour de ce qu’il nomme « bloc élitaire » contre « bloc populaire ». Antoine Léaument reprend cette analyse, qu’il reconnaît dans le projet stratégique de La France insoumise. Il insiste sur le fait que le clivage droite/gauche n’a pas disparu, mais qu’il s’est déplacé : la France insoumise incarne un camp populaire face à un bloc qui défend les intérêts des puissants.
Interrogé sur la conflictualité du discours insoumis, Léaument assume une stratégie de rupture. Il défend l’idée que la conflictualité est inhérente à la politique, et que les avancées sociales ont toujours nécessité des rapports de force. Il prend l’exemple du débat sur Gaza, où la parole de LFI est minoritaire mais courageuse, ou encore des retraites, où LFI a mené la bataille parlementaire.
Frédéric Sawicki questionne la pertinence de cette conflictualité : est-elle productive, ou dessert-elle le projet ? Antoine Léaument répond que c’est la seule voie efficace dans un contexte de blocage démocratique, où le gouvernement ne tient compte ni de la rue ni du Parlement. Il revendique aussi un changement de forme dans l’engagement militant, plus direct, plus visible, plus ancré dans les urgences sociales.
Sur les médias, le député de l’Essonne dénonce leur concentration entre les mains d’ultra-riches comme Bolloré ou Drahi. Il pointe une violence médiatique quotidienne à l’encontre de LFI, et explique que certains choix de langage – parfois perçus comme brutaux – sont aussi une manière d’obtenir un espace de parole dans un système médiatique verrouillé.
Frédéric Sawicki avance que la communication de LFI est parfois perçue comme outrancière, ce qui gênerait une partie de l’électorat. Léaument répond que la stratégie n’est pas de caresser l’électorat dans le sens du poil, mais de dire la vérité, d’interpeller, de faire réfléchir. Il insiste sur le fait que l’enjeu de LFI est de ramener à la politique des millions de personnes qui s’en sont détournées, notamment dans les classes populaires.
Le débat glisse ensuite sur la structure de LFI : absence d’un fonctionnement de parti classique, rejet du modèle des congrès, personnalisation autour de Jean-Luc Mélenchon… Léaument revendique un mouvement souple, adaptable, moderne, qui a permis des campagnes dynamiques et populaires. Il défend le collectif de coordination comme un organe collégial, en opposition aux caricatures sur un « chef tout-puissant ».
Frédéric Sawicki conclut sur la question de l’efficacité électorale : est-ce que cette stratégie permet d’élargir l’assise ? Antoine Léaument rappelle que LFI est aujourd’hui la première force dans la jeunesse, dans les quartiers populaires, dans la France des invisibles. Il rappelle les scores élevés dans les quartiers populaires lors des dernières élections, et affirme que c’est bien là que se joue l’avenir.