L’interview de Marine Le Pen, publiée dans Le Monde daté du 22 septembre 2012, a fait grand bruit. La présidente du Front National y déclare en effet souhaiter l’interdiction du port du voile et de la kippa dans tous les lieux publics, de la rue aux magasins en passant par les transports en communs, marquant ainsi une « re-radicalisation » du parti d’extrême droite. Pourtant, en avril dernier, Marine Le Pen tenait des propos tout à fait contradictoires avec ceux qu’elle développe aujourd’hui : interrogée par le magazine Famille chrétienne, la présidente du Front National déclarait alors que « la laïcité n’a jamais consisté à interdire aux religieux de porter des habits ».
Si les changements d’avis électoralistes sont monnaie courante en politique (Nicolas Sarkozy, favorable au vote des étrangers aux élections locales, il y a quelques années encore, en est un excellent exemple), il est plus rare que la contradiction puisse se trouver au sein d’une seule et même interview. C’est pourtant ce qui ressort de l’entretien qu’a accordé Marine Le Pen au Monde.
Dans cet entretien, la présidente du Front National déclare en effet que si elle arrivait au pouvoir, elle « [ferait] inscrire dans la Constitution que ‘‘la République ne reconnaît aucune communauté’’ ». La fabrication d’une homogénéisation factice de la nation passerait ensuite par l’école « laïque, publique et républicaine » dont « le rôle [est] de fabriquer des Français », le tout impliquant de « rendre un contenu à la nationalité française ».
Passons sur le frisson qui parcourt l’échine des républicains à la lecture de tels propos. Ce qui m’importe ici, c’est que cette partie de l’interview de Marine Le Pen est en parfaite contradiction avec ce que la présidente du Front National déclare à propos de la Syrie. En effet, à la question « Bachar Al-Assad doit-il quitter le pouvoir ? », Marine Le Pen répond : « Si la sortie n’est pas négociée avec son remplacement par quelqu’un issu de la même minorité, sa minorité sera massacrée et les chrétiens seront massacrés ».
Essayons d’y voir clair. D’un côté, en Syrie, une minorité devrait être maintenue au pouvoir afin de protéger toutes les minorités (notamment la population chrétienne, on l’aura compris) présentes sur le territoire ; de l’autre, en France, si Marine Le Pen arrive au pouvoir, elle empêchera les membres de minorités religieuses (qu’elle appelle « communautés ») d’exercer leur culte comme ils le souhaitent et « [fabriquera] des Français » avec l’école. A l’étranger, donc, on soutien une minorité au pouvoir (passons sur l’aspect néocolonialiste de la chose) ; en France, à l’inverse, on gomme autant que possible les différences au nom d’une « identité nationale » et d’une pseudo-laïcité qui consiste surtout à faire un amalgame entre Islam et islamisme (« quand vous aurez arrêté de financer à tort et à travers l’Islam, et par définition l’islam fondamentaliste (…) », cf. l’interview).
Avec cet entretien, l’incohérente Marine Le Pen revient aux fondamentaux de sa formation politique. Le temps de la « dédiabolisation » a vécu : le Front National cherche à nouveau à jouer avec les peurs, dans un contexte d’augmentation de l’islamophobie en France. Je ne saurais trouver meilleure conclusion que celle de l’éditorial du Monde daté des 23 et 24 septembre 2012 : « Marine Le Pen vient de démontrer que le FN a changé de visage mais pas de nature. Il demeure hors du champ républicain. »